De l’urgence climatique à la désobéissance civique

Les manifestations pour le climat et le vivant se multiplient dans la Vienne, de plus en plus sous la forme d’actions de désobéissance civique. Rencontre avec ces militants prêts à tout pour alerter sur l’urgence climatique.

Romain Mudrak

Le7.info

Steve Henot - Romain Mudrak

« On est plus chaud que le climat ! » Ils sont une vingtaine, jeudi, devant la caserne de gendarmerie de Poitiers, à entonner les chants entendus ici et là, dans les Marches pour le climat. A l’appel d’Action non-violente Cop21 (ANV-Cop21), ils soutiennent deux militants convoqués après la « réquisition » de quatre portraits du Président de la République opérée début mai dans des mairies de la Vienne.

« L’idée, c’était de sortir Macron et de lui montrer la réalité du terrain », explique Marie, une retraitée. Elle a été placée en garde en vue le jour-même avec son mari. Leur domicile a été perquisitionné, leur ordinateur fouillé... « On s’expose assez fortement parce que l’urgence climatique le nécessite, parce que la situation est inédite. Et j’ai envie de prendre ma part dans ce combat », assène-t-elle, le regard déterminé. Juridiquement, les participants à cette action risquent jusqu’à cinq ans de prison et 75 000€ d’amende pour « vol en réunion ». Pour l’heure, ils ne font pas l’objet de poursuites. Pas encore. « On l’a fait en connaissance de cause, assume Frédéric, 38 ans. Ça impacte notre vie personnelle et professionnelle. Je ne pourrais pas me regarder dans dix ans et me dire que je n’ai rien fait. Mais je préférerais ne pas avoir le faire, c’est sûr. »

Désobéir, « de plus en plus légitime »
Ces derniers mois, dans la Vienne comme ailleurs, les manifestations pour le climat se sont multipliées. Mais le mode d’action a évolué. Beaucoup ont quitté les Marches et font désormais le choix de la désobéissance civile. « Ce n’est plus possible de faire seulement de la sensibilisation. Il faut un vrai changement. Le combat est tellement grave que l’on ne peut plus se contenter de petites actions, assure Solène, 19 ans, membre du collectif Youth for Climate Poitiers, créé en février dernier. Désobéir pour la planète apparaît de plus en plus légitime chez les jeunes, c’est notre avenir qui est en jeu. » Une grève scolaire pour le climat le 15 mars, un « die-in »(*) le 22 mars, une opération « lucioles » visant à éteindre les enseignes des commerçants de Poitiers dans la nuit du 10 mai dernier... La jeunesse poitevine redouble d’imagination pour « interpeller et choquer » les consciences. L’essentiel, c’est de transmettre le message. Dans le genre, les happenings de Libération animale 86 passent rarement inaperçus. Qui n’a jamais vu des militants vêtus de noir, debout dans la rue, les mains tachées de sang avec pour fond sonore des cris d’animaux à l’abattage ? « Nous sommes des antispécistes qui dénonçons toute forme d’exploitation des animaux, assure Gladys, co-présidente du groupe poitevin. Notre but est de pousser à la réflexion à travers des actions choc dans un cadre légal. »

Le « combat » des militants se poursuit aussi sur les réseaux sociaux, par le partage régulier de contenus engagés. Libération animale 86 a d’ailleurs lancé #Poitierscaptivité pour « obtenir l’interdiction des cirques avec animaux ». « Sur ce sujet, on attend les élections municipales avec impatience », reprend Gladys. De son côté, le maire de Poitiers, régulièrement interpellé sur la place publique, reçoit les délégations qui en expriment le désir. « Je considère que nous n’avons pas à rougir de ce que fait Grand Poitiers en matière de transition écologique », martèle Alain Claeys qui n’est pas avare en « exemples concrets » sur la question (lire ci-dessous). Il est venu le clamer à la tribune, le 16 mars, au terme de la Marche du siècle. Pas de quoi lui épargner quelques sifflets.

(*)Une forme de manifestation où les participants simulent leur mort.

Le prisme de la transition écologique
« Toutes les décisions politiques doivent désormais passer à travers le prisme de la transition écologique et du numérique avant d'être prises », assure le maire de Poitiers. Et Alain Claeys cite dix exemples de l'action de la Municipalité en la matière. L'éclairage public à LED aux Couronneries permettrait d'économiser autour « de 600 000€ par an ». Pour moins utiliser les énergies fossiles, le réseau de chaleur sera bientôt étendu au CHU, à la patinoire et à la piscine de la Ganterie. Il évoque aussi la réhabilitation des logements sociaux (isolation...), le programme d'amélioration de l'habitat pour rénover le logement ancien (collectivité et Etat), l'interdiction des pesticides dans les jardins (depuis 2000), la voie publique et les stades (2010). Grand Poitiers achète aussi des hectares de terrain autour des points de captage de l'eau potable pour préserver la nappe phréatique. Côté cuisine, la Mairie de Poitiers atteint aujourd'hui « 27% de produits bio » dans les assiettes des cantines. En termes de mobilité, Alain Claeys évoque la mise à disposition de vélos, la location de vélos électriques ainsi que l'aide à l'achat et rappelle que l'objectif reste de passer tous les bus de Vitalis au gaz naturel. Enfin, les berges du Clain ont été réhabilitées (Tison, rue de la Croix rouge...) pour préserver la biodiversité. En juin, les élus de la communauté urbaine voteront le plan climat dont le but est de « fixer de nouveaux objectifs pour pouvoir ensuite les évaluer ».
Légende photo : Le 22 mars dernier, une centaine de jeunes ont simulé leur mort pour alerter sur l’urgence climatique. - DR Ronan Lamy/Youth for climate Poitiers

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