Le fabuleux dessin de Giacomo

Giacomo Gambineri. 34 ans. Italien exilé à Poitiers depuis quatre ans. Dessinateur professionnel. Collabore avec le New York Times, le Guardian, Nike, Apple, GQ ou encore Monocle. A fait de sa passion d’enfance son métier. Signe particulier : discret. 

Arnault Varanne

Le7.info

Au premier étage de Cobalt, en plein centre-ville de Poitiers, son bureau de co-worker se trouve au fond, à droite. Un Mac book pro est relié à sa tablette graphique. Sa trousse « offerte par (s)a copine » donne le ton : « Of course, I speak french ». De fait, Giacomo Gambineri s’exprime parfaitement dans la langue de Molière. Ses rares hésitations trahissent juste un esprit réfléchi. Pour ce Gênois de naissance, les mots pèsent d’un poids particulier, mais les dessins encore plus. Il y a deux ans, la naissance de sa fille Elle-Rose l’a « forcé » à quitter son T2 du plateau pour rallier le tiers-lieu de la rue Victor-Hugo. Il ne le regrette pas. « Entre Milan où j’ai travaillé et Lencloître, où travaille ma copine, nous avons choisi Poitiers comme barrière de sécurité ! », plaisante le trentenaire.

Hormis quelques séjours avec ses parents « qui aimaient bien la Bretagne », l’illustrateur n’avait jamais vécu aussi longtemps loin de la botte. Quatre ans ont passé depuis son arrivée ici et Giacomo vit l’expérience de manière positive. « Discret »par nature, le Poitevin d’adoption « impose » pourtant sa patte graphique dans les médias les plus prestigieux du monde, du New York Times au Guardian, en passant par Les Echos, GQ Magazine, Monocle, Vanity Fair… Il y a moins d’une semaine, il a même reçu un mail du New Yorker, réponse à sa première missive électronique envoyée cinq ans plus tôt ! « Lorsque le New York Times m’a sollicité la première fois, j’ai cru que ma mère m’avait fait une blague. C’est le premier membre de mon fan club. Le seul en réalité ! »Et puis non, le mail provenait vraiment de Big Apple. Sa carrière a décollé en 2011.  

« Est-ce que je peux m’amuser ? »

Depuis ses premières armes à Casa Habitareet Il Sole 24 Ore -le supplément mensuel-, l’illustrateur s’est fixé une règle. « Dans mes critères pour choisir un nouveau travail, je me demande toujours si je vais m’amuser ou pas… » Le fils d’employé de banque et de secrétaire admet ressentir « beaucoup d’admiration pour l’enfant qu’il a été ». Lequel profitait de chaque course pour ramener une BD, dévorait les Spiderman et autres Tintin. Avait hâte aussi de boucler ses devoirs et de dîner pour dessiner. Encore et encore. Au fond, ce gamin-là, biberonné aux super-héros et insouciant, n’a pas beaucoup changé. Il s’est en tout cas affranchi des a priori d’une partie de sa famille sur son avenir professionnel. « Tout le monde n’a pas vu d’un bon œil le fait que je fasse des études artistiques. Pourtant, mon père a toujours été auteur de théâtre, ma mère fabrique des sacs à main, ma sœur a aussi une fibre artistique… »

Citoyen européen et du monde, Giacomo Gambineri plonge dans la boîte à souvenirs avec délice et sans nostalgie. Il n’a « jamais manqué de rien », surtout pas d’imagination. Son esprit fécond essaime désormais sur les deux continents, l’Europe et l’Amérique. Au fil du temps, il a dû adapter son style aux contingences locales.« En Italie, on ne dessine souvent que des hommes blancs, alors qu’aux Etats-Unis, on me demande de faire apparaître des hommes, des femmes, des noirs, des blancs, des Asiatiques… » Depuis son poste d’observation, l’illustrateur cerne à merveille les différences culturelles, ne serait-ce qu’entre l’Hexagone et sa patrie. « La France a fait la Révolution, l’Italie a fait de la résistance. Beaucoup de choses découlent de ce simple constat. » La connexion avec l’actualité politique du moment suinte l’évidence. Par pudeur, le trentenaire ne s’étendra pas sur la gouvernance partagée entre la Ligue du Nord et le mouvement 5 étoiles. « Je ne suis pas un dessinateur engagé, j’aimerais mais ce n’est pas mon style. » A défaut de torpiller les démocrates de tous poils sous sa plume, Giacomo Gambineri réfléchit à la sortie d’une « grande œuvre », recueil de ses productions bigarrées. Il la mûrit à Cobalt, dans son T2 ou encore lors de promenades à Blossac. La marche et le vélo l’aident à « réfléchir ». En français dans le texte. Of course, he speaks french. 

 

 

 

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