« C’est le cœur de la communauté »

Les sœurs bénédictines de Saint-Benoît ont lancé une campagne de crowdfunding pour pouvoir exposer, en toute sécurité, la relique de la Sainte Croix que la communauté conserve depuis… 1 450 ans !

Claire Brugier

Le7.info

L’allée bordée de cèdres qui mène à l’abbaye Sainte-Croix, à Saint-Benoît, pourrait bientôt perdre de sa bucolique tranquillité. Cette perspective, contraire à la contemplation édictée par la règle bénédictine, explique les réticences récurrentes des sœurs à exposer en continu la relique de la Sainte Croix sur laquelle leur communauté veille depuis… le 19 novembre 569. Et vice versa. « Nous conservons cette relique, mais peut-être est-ce elle, en réalité, qui nous conserve. C’est un objet de vénération, précieux pour la communauté et plus largement pour la foi chrétienne », constate avec douceur sœur Martina. « C’est le cœur de la communauté », renchérit sœur Mireille, mère abbesse de la plus ancienne communauté monastique de France. 

Fondée par sainte Radegonde, reine des Francs, vers 562, elle a compté au VIe siècle près de deux cents moniales. Elles sont neuf, aujourd’hui, à vivre dans une ancienne propriété jésuite qu’elles occupent depuis 1965, après qu’elles ont « fui » le volume sonore invasif de la rue Jean-Jaurès, à Poitiers. La relique les a bien évidemment suivies, comme toujours et ce malgré les nombreuses sollicitations de musées.

Campagne de crowdfunding

Conservée dans un reliquaire émaillé, lui-même protégé par une châsse en argent du XIXesiècle, la relique de la Sainte Croix a survécu à l’Histoire, notamment à la Révolution. Certains écrits veulent que « lorsque les révolutionnaires sont arrivés pour dévaliser le monastère, la sœur trésorière aurait tant supplié qu’on lui aurait balancé la relique dans son tablier », raconte sœur Martina.  Selon une autre version, «  il était habituel que le clergé poitevin vienne chercher la relique au moment des rogations. Mais les sœurs, qui n’étaient pas tranquilles de la laisser sortir, en auraient fait une copie… »

Juste à côté de l’église au décor moderne (à l’exception des stalles du XVesiècle et de la large grille du XVIIIe siècle), empiétant sur l’oratoire des malades et une partie de la sacristie, un espace a été aménagé pour que la relique puisse être installée en toute sécurité. Jusqu’à présent, elle était exposée avec parcimonie chaque premier dimanche du mois, avant et après les vêpres.

Afin de financer ce projet, estimé à environ 100 000€, la communauté a lancé  une cagnotte en ligne sur credofunding.fr. Une démarche aussi insolite que nécessaire pour les sœurs qui vivent un peu de l’accueil et de la boutique, beaucoup de la fabrication ancestrale d’hosties, blanches ou dorées, de formats divers. « C’est plus un savoir-faire qu’une recette extraordinaire, explique sœur Marie-Claire. Les jours de cuisson, deux à trois par semaine, nous utilisons 80 à 100 kg de farine -du moulin de Vivonne- pour environ 500 plaques. »A raison d’une centaine de petites hosties par plaque, l’abbaye approvisionnenombre de paroisses. Il n’existerait plus qu’une trentaine d’établissements religieux fabriquant des hosties en France.

À lire aussi ...