Le grand âge, pas un petit sujet

A l’invitation de l’entreprise poitevine ReSanté-Vous, près de 800 professionnels sont attendus les 16 et 17 mai au palais des congrès du Futuroscope pour phosphorer autour des thèmes du grand âge et de l’autonomie. A l’heure d’une éventuelle réforme du financement de la dépendance, le sujet est brûlant.

Arnault Varanne

Le7.info

Entre 2017 et 2050, le nombre de personnes âgées de plus de 85 ans aura été multiplié par 3,2 selon le ministère de la Santé et des solidarités. Dans le même intervalle de temps, les seniors en perte d’autonomie seront quasiment deux fois plus nombreux (2,2 millions contre 1,3 million). Derrière l’abstraction de ces chiffres bruts, une réalité : le grand âge semble toujours le parent pauvre des politiques publiques. « Il n’y a qu’à voir le regard qu’une partie de la société pose sur tous ces vieux qui n’auraient pas eu l’élégance de quitter la scène à temps, déplore Michel Billé. On parle aujourd’hui de prise en charge, de coût, de maintien à domicile, de placement… Autant de termes dégradants. »

Le sociologue poitevin sera aux premières loges du colloque organisé par l’entreprise ReSanté-Vous, les 16 et 17 mai, au palais des congrès du Futuroscope. Un événement où 800 professionnels échangeront sur un thème un brin provocateur mais d’une actualité chaude : « Ehpad & Domicile : un accord majeur ». « Pendant des années, on a mené une politique du tout-Ehpad, il fallait en construire partout,constate Nicolas Roumagne, co-dirigeant de ReSanté-Vous (38 collaborateurs). Et depuis deux ans, on voudrait nous imposer le tout-domicile. Nous pensons que la bonne réponse est entre les deux. Les familles doivent percevoir des avantages dans les deux solutions. » Le professionnel prône donc davantage de passerelles entre les établissements et le domicile. Il imagine même les Ehpad comme des « centres de ressources ». 

« Pas une charge mais une chance »

Dans les Deux-Sèvres, sept établissements permettent à des seniors de leur territoire de pratiquer des activités physiques. « Dans un premier temps, les personnes ont du mal à y venir. Mais lorsqu’ils y sont, elles retrouvent d’anciens voisins, déjeunent sur place… Bref, elles y trouvent leur compte », insiste Nicolas Roumagne. Si l’avènement de la silver économie, en 2013, a permis de libérer la créativité -la société poitevine Domalys et sa lampe Aladin constituent un bon exemple-, les professionnels veulent aussi favoriser « l’innovation sociale venant du terrain ». Cela signifie passer au-delà des freins psychologiques et contraintes législatives. Les agents d’Ehpad et de services à domicile n’ont pas les mêmes conventions collectives. Les deux « secteurs » ont en revanche un point commun, ils souffrent d’un manque de personnel. 

Au-delà de la dimension financière, l’enjeu n’est pas mince. Il s’agit ni plus ni moins que d’inventer notre prochain modèle de société. « Il existe une palette de réponses avec des solutions multiples, veut croire Michel Billé. Les seniors ne sont pas une charge mais une chance. Commençons donc par parler de soutien à domicile et d’accueil en établissement. » Comme un symbole, le sous-titre du rapport Libault (*) sur le grand âge préconise de « passer de la gestion de la dépendance au soutien à l’autonomie ».

Plus d’infos sur colloque.resante.vous.fr 

(*) Rapport rendu le 28 mars à la ministre de la Santé et des Solidarité Agnès Buzyn. Il contient 175 propositions, parmi lesquelles la création d’un guichet unique pour les personnes âgées et les aidants, un plan national pour les métiers du grand âge, un soutien de 550M€ pour les services d’aide et d’accompagnement à domicile, une hausse du taux d’encadrement de 25% en Ehpad d’ici 2024, 3Md€ d’ici dix ans pour rénover les Ehpad et résidences autonomie…

 

 

Nos vieux 
En espagnol, le terme retraite se dit « jubilación ». Battre en retraite d’un côté des Pyrénées, jubiler de l’autre, comment ne pas voir dans ce simple clin d’œil sémantique la traduction de notre regard dédaigneux sur les « vieux » ? Des personnes âgées aux seniors, la langue française s’est pourtant employée à les qualifier au mieux, nos vieux. Mais rien n’y fait. A 50 ans au boulot, on est déjà rangé au rayon des antiquités. A 70 ans en dehors, tout juste bons à penser à la fin. L’allongement de la durée de vie et les progrès de la médecine n’y ont donc rien fait. Le troisième et le quatrième âge sont toujours perçus comme des consommateurs en puissance -voire d’excellents contribuables-, mais plus tout à fait comme des actifs, au sens premier du terme. Alors on les prend en charge, on les place ou on les maintient à domicile. On les isole parfois du reste de la société. Au fond, on les déconsidère, n’ayons pas peur des (gros) mots ! Mais il faudra pourtant s’habituer à leur présence, ils seront de plus en nombreux dans les années à venir, nos vieux. Et devinez quoi, à plus ou moins longue échéance, nous grossirons leurs rangs. De quoi jubiler, non ?

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