Hier
Témoin de la crise que connaît l’hôpital public, l’Espace de réflexion éthique du Groupe hospitalier Nord-Vienne a engagé une réflexion autour du sens du travail à l’hôpital, afin d’affiner le diagnostic pour mieux envisager les remèdes.
L’hôpital public est malade. Malade de ses réorganisations, restructurations, restrictions budgétaires successives. Dans la rue, les médias, les réseaux sociaux, les langues se délient, dénonçant une perte de sens sur laquelle s’est penché l’Espace de réflexion éthique du Groupe hospitalier Nord-Vienne (GHNV). Il organisait la semaine dernière, à Châtellerault, une conférence-débat « Travail à l’hôpital : à la recherche du sens perdu ? »
« La question peut paraître incongrue, a souligné en préambule le directeur du GHNV Stéphane Péan, car l’hôpital est le lieu où l’on soigne les malades où l’on soulage les douleurs... » Mais lorsque les personnels sont eux-mêmes sont en souffrance... Sylvie Cafardy, médecin gériatre à Montmorillon pendant seize ans, a senti monter le mal-être. Sans jeter la pierre à la direction, elle constate : « Avant la fusion avec le CHU de Poitiers, le 1erjanvier 2016, nous avions un petit hôpital mais une grande équipe, avec l’un des taux d’absentéisme les plus bas au niveau national. Nous étions très liés et très investis dans la recherche de la bien-traitance. Mais nous avons été dépossédés de notre autonomie, les liens ont été rompus. »L’esprit d’équipe s’est progressivement délité, victime aussi parfois du grand turn-over des professionnels.
Deux logiques
« L’équipe, c’est une histoire commune, des échecs, des réussites... »,rappelle le psychologue Xavier Morille. C’est aussi ce qui permet de supporter ce que le Dr Denis Marcel-Venault, médecin généraliste à Confolens, nomme « l’injonction paradoxale : faire plus avec moins de moyens ». Des moyens financiers, donc humains, donc en temps. Fini la transmission entre soignants autour de la machine à café ! Ecourté le temps passé auprès des patients ! « Le temps d’écoute n’est pas comptabilisé comme du temps de travail », déplore le DrCafardy. Logique utilitariste et valeurs idéologiques (égalité d’accès aux soins, solidarité du financement, etc.) s’affrontent. A cela s’ajoute, selon Xavier Morille, « la butée de la société, qui consiste à essayer de prévoir l’imprévu ». Il en résulte une « multiplication des protocoles, une complexité administrative accrue ».
Ces situations accentuent le clivage entre les soignants et les gestionnaires alors que, précisément, « dans ce monde difficile, il faut éviter l’affrontement, assène le Pr Roger Gil, de l’Espace de réflexion éthique Nouvelle-Aquitaine. Il prône« une considération réciproque des intentionnalités ».Voire une confiance réciproque, selon Geneviève, aide-soignante au CHU. « Chacun a des fonctions très différentes. Personnellement, je serais incapable de gérer une structure mais je sais ce que c’est d’être au pied du patient ! » Au-delà, « la contrainte financière peut nous rappeler que la médecine n’est pas dans une toute-puissance. Elle nous offre la possibilité de renoncer à certains traitements et de faire remonter l’intelligence du soin. » En somme repenser l’hôpital. Ensemble.
DR CHU communication
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lundi 23 décembre