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Privé-public à l’école de l’égalité
Catégories : Société, Social, Solidarité Date : mercredi 10 avril 2019Avec l'instruction obligatoire dès 3 ans, les communes vont devoir contribuer au fonctionnement des écoles maternelles privées de leur territoire. Alors que les budgets municipaux baissent, cette idée n’a pas que des partisans.
A la rentrée 2019, tous les enfants devront être scolarisés dès l’âge de 3 ans, contre 6 actuellement. C’est l’un des points les plus importants de la loi sur « l’Ecole de la confiance » qui a été adoptée, début mars, par l’Assemblée nationale. Cela concerne 25 000 enfants, soit 3%. Les autres sont déjà à l’école. Reste désormais à obtenir sa validation, en mai, par les sénateurs.
Si tout le monde s’accorde sur les bienfaits pédagogiques de cette mesure, son application directe sur le territoire, en revanche, suscite le débat. En vertu de la loi Debré de 1959, les communes vont devoir financer les frais de fonctionnement des écoles maternelles privées à parité avec les établissements publics, comme elles le font déjà pour les écoles élémentaires. En jeu, autour de 150M€ que les maires devront intégrer dans leurs budgets. Une situation jugée insupportable par les syndicats d’enseignants qui dénoncent depuis des semaines « un cadeau pour le privé ». Surtout dans le contexte actuel de baisse des dotations des communes. « Comme le gâteau reste identique, le risque c’est de voir les communes prendre au public pour donner au privé », clament d’une seule voix le Snuipp-FSU et le SE-Unsa.
Echelonner la dépense
Face à cela, certains maires prennent position. « En mon nom personnel, je vous l’assure, jamais je ne toucherai à l’enveloppe de l’école publique », tranche Annie Lagrange, l’édile de Lussac-les-Châteaux, qui sait déjà que cette mesure va coûter cher à sa commune. Le barème communément admis en la matière prévoit environ 1 200€ par élève de maternelle et par an (le double de l’élémentaire). A raison de 1 600 enfants de 3 à 6 ans actuellement scolarisés dans les établissements privés du département, on arrive vite à des sommes colossales. Sauf que la réalité n’est pas aussi simple. « Nous avons des difficultés à évaluer le coût de revient d’une école publique, ce qui nous amène toujours à négocier avec les municipalités sur des critères différents d’une commune à l’autre », souligne Bernard Roux. En voyant venir cette réforme, le directeur de l’enseignement catholique pour le diocèse de Poitiers a envoyé un message aux chefs d’établis- sement des trente-six écoles privées de la Vienne pour leur dire « d’attendre la publication des décrets d’application ». « On ne s’emballe pas et, surtout, il n’est pas question de mettre le couteau sous la gorge des maires. Nous leur proposerons d’échelonner ce forfait communal car nous avons conscience du contexte budgétaire. »
Quelle compensation ?
Et puis il y a les communes qui ont décidé depuis très longtemps de verser une contribution aux écoles ma- ternelles sans y être obligées. L’Observatoire de vigilance laïque, mis en place par des syndicats et des associations d’éducation populaire, en a comptabilisé moins de dix en 2016. En général, uniquement pour les élèves domiciliés sur leur commune. Poitiers n’en fait pas partie. Mais Châtellerault oui. Anne-Florence Bourat, l’adjointe en charge des Af- faires scolaires, le revendique : « C’est normal, un élève est un élève, qu’il soit dans le public ou dans le privé. » Un rattrapage a été opéré en 2008. Le budget pour la commune s’élève à 430 000€ (élémentaire et maternelle). Face à la levée de boucliers des maires de France, l’Etat a envisagé le déblocage d’une enveloppe de 40M€ pour compenser l’effort des communes. Mais seules celles qui ne finançaient pas jusqu’ici les maternelles privées de leur territoire pourraient en bénéficier. Annie Lagrange y croit. Anne-Florence Bourat trouverait ce critère particulièrement « injuste » s’il était confirmé. Bref, le débat ne fait que débuter.
La Ville de Poitiers finance uniquement les écoles élémentaires privées. La collectivité a décidé de longue date d’attribuer un forfait de 600€ par élève domicilié sur la commune, ce qui représente un budget de 250 000€. Pour les écoles privées hors contrat, la règle est différente. La Ville octroie un prestation sociale de 26€ par enfant résidant à Poitiers, qu’il soit en élémentaire ou en maternelle cette fois. Ce dispositif représente une enveloppe de 6 630€.
Chauvigny
Comme Châtellerault, la Ville de Chauvigny finance depuis longtemps les maternelles privées au même titre que les écoles élémentaires. La décision du conseil municipal remonterait à 1989. Si elle ne faisait pas partie de la majorité à l’époque, Nelly Garda-Flip, adjointe aux Affaires scolaires, « assume totalement ce choix politique » et souligne qu’en parallèle, « d’importants travaux de mise en conformité ont été réalisés dans les écoles publiques afin d’améliorer les conditions de travail des élèves et des enseignants ». La collectivité attribue ainsi 613€ par enfant de la commune scolarisé dans l’élémentaire et 333€ par enfant en maternelle.
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