Les Madeleines : un toit à l’abri de la rue

La toute jeune association Les Madeleines a décidé d’aider les femmes victimes de la traite humaine à sortir de la prostitution. Mais la route est longue et compliquée.

Claire Brugier

Le7.info

Les Madeleines. Un nom doux pour dénoncer une réalité brutale. Un nom-hommage aussi, celui d’Elsa Bernardeau à sa mère, décédée le 3 juillet 2017. « C’était une grande féministe, une militante. » Madeleine lui ayant laissé en héritage une maison, dans un coin paisible de la Vienne, sa fille a choisi d’en faire un lieu d’accueil pour les femmes qui souhaitent sortir de la prostitution. « C’est un sujet qui a toujours été très prégnantOr, le problème majeur des associations qui recueillent ces femmes est de leur trouver un toit. » 

Comme une évidence, l’association Les Madeleines est née, officiellement portée sur les fonts baptismaux le 5 mai 2018. « Mais dès le 31 août 2017, Happy est arrivée,suivie d’une deuxième fille trois semaines plus tard », raconte Elsa Bernardeau. La nouvelle association propose l’hébergement qui faisait défaut aux Ami-e-s des femmes de la libération. En retour, cette autre association poitevine, créée en 2015, subvient aux frais d’hébergement. Mais la manne est fragile, conditionnée aux subventions et aux dons. Aussi, le 20 octobre dernier, Les Madeleines ont-elles organisé un concert. Recettes : 3 000€. De quoi tenir jusqu’en février 2019. Et après ? L’association héberge actuellement quatre jeunes Nigérianes, âgées de 21 à 26 ans, et s’occupe de quatre autres sur Poitiers.  L’espoir de toutes ces jeunes femmes : obtenir des papiers pour étudier, trouver un emploi... vivre décemment. 

« I walked in the street »

« I walked in the street. I stopped. My papers are finished »(*), lâche B. avec une impassibilité déconcertante. Comme les autres, la plus jeune pensionnaire des Madeleines apprend le français grâce à des bénévoles, mais elle reste plus à l’aise en anglais. Vendue à 13 ans, maltraitée, violée, torturée lors de son passage par la Lybie, B. a vécu ce que vivent nombre de jeunes filles Nigérianes victimes des réseaux de traite humaine. « Elles sont peut-être quatre-vingts ou cent sur Poitiers », avance Elsa Bernadeau, sans aucune certitude. Il y en a aussi sur Châtellerault... On les récupère dans des états de traumatismes physiques et psychologiques...  Mais il est difficile d’avoir le récit exact de leur parcours, il reste beaucoup de zones de flou. » Lorsqu’elle s’est retrouvée sans papiers, B. a rejoint C. aux Madeleines. L’association compte aujourd’hui une trentaine de bénévoles et des soutiens, parmi lesquels le Centre médical des Trois-Cités ou encore des étudiants de Sciences Po. Mais le chemin, ne serait-ce que pour accéder au Parcours de sortie de la prostitution mis en place par la loi du 6 avril 2016 est long, trop long. Dans la Vienne, l’association agréée pour présenter les dossiers des jeunes femmes est le CIDFF (Centre d’information sur le droit des femmes et des familles). « Nous les présentons devant une commission, réunie à l’initiative de la préfecture. Jusqu’à présent, quatre femmes ont pu bénéficier du Parcours de sortie de la prostitution,souligne la présidente Marie-Hélène Martin. Nous avons ensuite deux ans pour résoudre leurs problèmes d’apprentissage du français et d’entrée dans le monde professionnel. »

(*) « Je faisais le trottoir. J’ai arrêté. Je n’ai plus de papiers. »


Renseignements et dons à les.madeleines86@orange.fr

 

 

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