Nicolas Leveziel. 45 ans. Professeur, chef de service d’ophtalmologie du CHU de Poitiers. Mène un ambitieux projet de recherche sur la Dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA). Profondément attaché au service public.
Il le regrette un peu, mais s’en accommode fort bien. Dénicher des fonds nécessite un vrai investissement personnel. Depuis son arrivée à Poitiers, il y a six ans, en provenance d’Henri-Mondor, à Créteil, le Pr Nicolas Leveziel passe beaucoup de son temps à « chercher de l’argent ». « Un doctorant sur trois ans, c’est plus de 90 000€. Et une année de manipulations coûte 30 000€. » Autant dire que les 144 000€ déjà débloqués par le Fonds Aliénor du CHU, en faveur de son projet de recherche sur la Dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), semblent « légers » à l’heure d’alimenter la machine à réponses. Le chef du service d’ophtalmologie et son équipe se sont mis en tête de mieux comprendre les mécanismes de détérioration de la macula, cette zone de la rétine qui n’a pas encore livré tous ses secrets. La DMLA toucherait aujourd’hui une personne sur quatre après 75 ans et une personne sur deux après 80 ans.
De la coupe aux lèvres, de la recherche fondamentale au traitement expérimental, il existe encore un gap. Que le Normand d’origine s’efforce de combler, même s’il convient que « le temps de la recherche n’est pas celui des patients ». A défaut de combler leurs attentes à court terme, ce père de deux enfants (10 et 5 ans) leur offre du temps. Beaucoup de temps. Dans quelques jours, il participera par exemple au congrès de l’Association de patients contre la maculopathie myopique (Amam), dont il assure la présidence du comité scientifique. « Militant de la cause », Nicolas Leveziel a d’une certaine manière replacé l’ancienne capitale de Poitou-Charentes sur la carte de l’ophtalmologie. « Ce qui m’a attiré, c’est que l’hôpital était moderne, pas déficitaire et que l’unité de recherche de Mohamed Jaber comptait quelqu’un qui travaillait sur la thérapie cellulaire. »
Au cœur de plusieurs spécialités
Après Paris et Boston, ce fils de prof de maths et d’infirmière a donc atterri en douceur dans « une belle région qu’il ne connaissait pas ». Il s‘étonne au passage que ses habitants « ne la défendent pas plus ». « Poitiers devrait davantage exploiter sa dimension historique, son patrimoine gastronomique et exalter sa fierté, comme en Normandie », argue-t-il. Sans le dire, caractère réservé oblige, Nicolas Leveziel appartient au cercle des personnalités qui comptent. Et à plusieurs titres du reste puisqu’il a choisi une spécialité quasiment incontournable en médecine. « L’ophtalmologie touche à beaucoup de spécialités. Des pathologies cardiaques, endocrinologiques, dermatologiques, hématologiques (VIH), infectieuses peuvent se révéler par l’ophtalmologie. On peut, par exemple, réaliser des diagnostics de lymphomes, ce que peu de gens savent. Au-delà, l’enseignement et la chirurgie m’intéressent. » De « nature discrète », le chef de l’ophtalmo au CHU de Poitiers s’efforce de cloisonner vies professionnelle et personnelle. Il ne parle « jamais de son travail chez lui ». Il arrive toutefois que son activité le rattrape. Ainsi a-t-il accepté de collaborer à une étude grandeur nature sur « Le bon usage des écrans », avec son regard d’ophtalmologue.
A quel âge doit-on les mettre dans les mains de nos enfants ? Quels dangers la lumière bleue leur fait-elle courir ? Existe-t-il une corrélation entre le développement de certaines pathologies (la myopie par exemple) et l’usage intensif de la tablette ou du smartphone ? Au- tant de questions qui l’intéressent à double titre. Le père de famille ne porte « pas un regard très optimiste sur l’avenir ». « Quand je vois les catastrophes climatiques, la mal-bouffe... J’ai évidemment peur pour mes enfants... » De son poste d’observation, il mesure en revanche « la chance d’avoir un système de santé comme le nôtre ». « Il faut absolument le préserver, tout comme il faut protéger le service public. » Et tant pis s’il doit encore et toujours donner de sa personne pour recueillir des fonds. Il y est prêt. Notamment le 17 octobre prochain, lors de la 2e Nuit des chercheurs. Rendez-vous est pris.