Indiscrète, soutiens tous azimuts

En pleine lumière depuis la disparition de Didier Degrand, le 9 août, l’entreprise chauvinoise Indiscrète suscite une vague de mobilisation sans précédent, bien au-delà de la Vienne. Le fabricant de lingerie est en redressement judiciaire depuis le 24 juillet.

Arnault Varanne

Le7.info

Elles font « face à la situation » avec courage et dignité. Avec le suicide de Didier Degrand, Béatrice Mongella et Christelle Bois ont perdu plus qu’un associé, le 9 août dernier. Mais malgré le « traumatisme » que représente sa disparition, les deux co-gérantes d’Indiscrète ont choisi d’avancer et de se battre pour sauver la manufacture (21 salariées) et le réseau de vente à domicile (110 conseillères) « uniques en France dans notre secteur ».

Née sur les cendres d’Aubade, en 2010, la PME reçoit depuis une quinzaine de jours des soutiens de tous les côtés. « On se sent soutenues et ça fait chaud au cœur. Clientes, conseillères de vente, anonymes, dirigeants… La mobilisation est globale. » Pour autant, elle ne garantit rien à l’entreprise, plombée par une dette de 200 000€ et mise en redressement judiciaire le 24 juillet dernier, avec une période d’observation de six mois. « On a besoin d’engranger du chiffre d’affaires parce que notre trésorerie est très tendue », abondent Béatrice Mongella et Christelle Bois.

Les initiatives à l’œuvre devraient lui permettre de respirer un peu. La cagnotte lancée par la Fédération indépendante du Made In France sur helloasso.com atteint près de 7500€. Celle du groupe Facebook « Mobilisons nous ! Pour que vive Indiscrète » a vu le jour sur jadopteunprojet.com et recueille déjà 3270€. A l’initiative du groupe, le journaliste Jean-Philippe Elme est bluffé par l’ampleur du phénomène. « Le décès Didier Degrand a ému beaucoup de gens qui manifestent leur soutien. Un paysagiste a, par exemple, proposé d’entretenir les espaces verts. On se doit d’être tous au côté des filles pour que vive Indiscrète et montrer à l’administrateur que l’entreprise est viable. »

Une soirée à Poitiers le 14 septembre

A son échelle, Sendrine Colly déploie la même énergie. La vice-présidente du Groupement des entrepreneurs du Chauvinois prépare une soirée de soutien le 14 septembre, à la Villa Emma, à Poitiers (*). « L’objectif est de mobiliser le maximum de participants pour engranger des commandes et déclencher derrière des réunions avec les conseillères. J’ai appelé le Comité Miss France, il faut absolument qu’Indiscrète ait une égérie. » Chantre du made in France, l’Entreprise du patrimoine vivant (label officiel) aura un autre rendez-vous d’importance en septembre au Tribunal de commerce de Poitiers. Ce sera le 21, soit deux jours après la clôture de l’appel d’offres de reprise par Me Préville, l’administrateur judiciaire.

« Jusque-là, une quinzaine de personnes se sont positionnées, développe Béatrice Mongella. Je le répète, plus nous pourrons engranger de chiffre d’affaires, plus nous aurons le temps de choisir le bon projet dans l’intérêt d’Indiscrète. » Elle espère que les soutiens ne faibliront pas une fois l’émotion retombée. Ce serait le pire des scénarii.

(*) Lien Weezevent bientôt disponible.
 

 

Un symbole
Plusieurs centaines de dirigeants se suicident chaque année en France, notamment dans le bâtiment et l’agriculture. Le chercheur montpelliérain Olivier Torres travaille depuis près de deux décennies sur le « cas » de ces petits patrons auxquels on ne prête guère attention. Et dont la mort suscite au mieux une émotion limitée, au pire un désintérêt manifeste. A contre-courant du scénario classique, le suicide de Didier Degrand engendre une vague intense d’émotion depuis près de trois semaines. Comme si la nature des activités de l’entreprise et le parcours de cet homme si attaché à ses salariées représentaient un symbole. Dans un secteur sinistré -le textile-, Indiscrète relève davantage du conte de fées que de la success story à la Facebook. Pourtant, la Vienne est constellée de petites boîtes qui, assemblées les unes aux autres, forment une chaîne de dizaines de milliers de salariés. Des boîtes fragiles, soumises aux aléas des donneurs d’ordre et dont les dirigeants ne roulent pas sur l’or, bien au contraire. Cette réalité-là mérite aussi un éclairage particulier.

 

 

 

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