Philippe Belaval, nouveau chef de choeur

Philippe Belaval. 63 ans. Directeur du Centre des monuments nationaux. Nouveau président des Soirées lyriques de Sanxay. Grand amateur d’opéra, le Haut-Garonnais d’origine s’efforce aussi d’être attentif aux tourments du monde.

Arnault Varanne

Le7.info

Il l’admet sans fard, il pensait « passer une mauvaise soirée » au théâtre antique de Sanxay. En plein cœur du mois d’août, dans la « pampa » poitevine, peu de Parisiens peuvent s’imaginer ce qui se trame ici chaque année. Au final, Philippe Belaval a eu « la surprise de sa vie », comme bluffé par ce « Madame Butterfly » (2013) joué en plein air et sans fausse note. Cinq ans plus tard, le voilà propulsé au poste de président des Soirées lyriques de Sanxay, lui l’ancien directeur général de l’opéra de Paris, grand amateur du genre et aujourd’hui par monts et par vaux pour honorer sa fonction de numéro 1 du Centre des monuments nationaux (CMN).

D’une certaine manière, en acceptant de succéder à Mathieu Blugeon, le Toulousain de naissance poursuit sa mission : « Montrer que le patrimoine n’est pas figé dans le temps, qu’il sert d’autres usages que la contemplation. » Il ne se force en rien, dans la mesure où « l’opéra l’a accompagné toute sa vie ». Dans sa prime jeunesse, ses grands-parents puis ses parents l’ont initié à cet art si particulier au Théâtre du Capitole. Il leur rend grâce, toujours ébloui par « la beauté d’une œuvre musicale » comme Tristan et Isold ou Parsifal, ses « must ». Sa future présidence, Philippe Belaval l’inscrit dans le double enjeu de la transmission et de l’accès large à la culture. « Quand on compare le prix des places à Sanxay et dans la plupart des autres opéras, on s’en rend compte… »

Des monuments « dans leur siècle »

Dans une époque où l’immatériel (réseaux sociaux…) domine, le diplômé de l’Ena -en 1979- milite de toutes ses forces pour remettre les vieux châteaux et églises abandonnés « dans leur siècle ». On ne pouvait guère dénicher meilleur lieu pour cet entretien à Poitiers qu’aux Archives. Le chœur et la nef de l’ancienne chapelle du Gesù y abritent désormais l’un des meilleurs restaurants de la place. Mais passons, car Philippe Belaval n’est pas qu’un « Monsieur patrimoine » en représentation. Le sexagénaire s’efforce de regarder son époque et les précédentes avec les lunettes du citoyen lambda.

« Un cadeau de la vie »

Ses lectures d’auteurs d’Europe centrale (Ludmila Oulitskaïa, Sandor Marai, Zakhar Prilepine…) l’ont plongé dans les grands conflits du XXe siècle. Non pas que l’ancien conseiller d’Henri Emmanuelli cherche la noirceur à tout prix. « Quand on lit les souffrances considérables auxquelles des millions de personnes ont été confrontées, cela incite à relativiser celles de notre époque. Nous ne vivons pas dans une vallée des roses, mais notre monde est plus pacifié. » Au fond, le président des Soirées lyriques de Sanxay mesure sa chance. Celle d’évoluer « en permanence au milieu de la beauté, de côtoyer des artistes ». « Mais ce qui me touche par dessus tout, c’est la générosité, la manière dont les autres ont la capacité de s’ouvrir à la souffrance. Tout ce qui remet de l’humain au cœur de la société est bon. »

Philippe Belaval évoque à mots couverts « le phénomène migratoire », dont il sent qu’il est générateur de tensions. A titre personnel, il ne peut rester indifférent au sort de ses contemporains et appelle les décideurs à « remettre les humanités » au cœur de l’enseignement. « La primauté du savoir commercial et scientifique aboutit à dessécher quelque peu la conscience humaine. » Il se sent d’autant plus responsable devant l’Histoire et « attentif aux évolutions du monde » qu’il élève depuis deux ans son neveu (7 ans). « C’est comme s’il était mon fils », reconnaît-il. Avant d’ajouter sur le ton de la boutade : « C’est le vieil homme et l’enfant ! » Ce « cadeau de la vie » l’a chamboulé et le rend encore plus attentif « aux évolutions du monde ». Aux moments de grâce à l’opéra comme aux grands tourments de l’époque. « Sans illusions », mais pas sans espoirs. « La vie ne vaut rien, mais rien ne vaut la vie. » Pas mieux.

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