Hier
Simone Brunet. 69 ans. Devenue avocate en même temps que militante dans un contexte social post-68 explosif. Engagée à gauche -syndicalement-, elle a soutenu des salariés, des objecteurs de conscience, des étrangers, des femmes et des enfants maltraités, à une époque où ces combats étaient peu développés pour les avocats.
Rendrez-vous est donné dans la cour de Jasmin&Citronnelle, à Poitiers. Au-delà du côté convivial, le lieu est symbolique pour Simone Brunet. « J’ai grandi ici, l’appartement de mes parents était juste au-dessus. » L’avocate a la capitale pictave chevillée au corps et au cœur. Elle y a prêté serment en décembre 1972 et a arpenté, depuis, toutes les salles d’audience du département. De sa famille « catho de gauche, active et pas sectaire » comme elle dit, cette mère de deux filles conserve une ouverture d’esprit et une envie profonde de s’intéresser au reste du monde, à commencer par son voisinage immédiat.
L'émeute d'octobre 2009
Les premières minutes de l’entretien sont tout de même un peu tendues. « Je n’ai jamais donné d’information à un journaliste », assène-t-elle. Cette fois, il ne s’agit pas d’une affaire criminelle, mais de parler de son parcours et de ses choix. Pour certains Poitevins, le nom de Simone Brunet est associé aux émeutes d’octobre 2009. A l’époque, ses coordonnées personnelles avaient été diffusées sur un tract, à l’occasion d’une manifestation anti-carcérale durant laquelle un groupe d’activistes avait détruit des dizaines de vitrines et semé la panique dans le centre-ville. Impensable ! Encore aujourd’hui, elle ne comprend pas. « J’étais à la campagne avec des amis pour le week-end quand j’ai vu mon nom à la télévision. Dès le lundi, je suis allée voir le bâtonnier pour lui dire que je n’y étais pour rien ! » Elle n’a d’ailleurs jamais été inquiétée par la justice dans cette affaire. En revanche, elle a bien défendu, avec cinq autres avocats, en comparution immédiate, certains individus interpellés ce jour-là. Et comme plusieurs personnalités, Simone Brunet reste convaincue que les auteurs n’étaient pas dans le prétoire.
Avec le recul, ce n’est pas un hasard si ces jeunes se revendiquant d’un courant alternatif avaient identifié l’avocate comme une alliée potentielle. Elle a toujours dénoncé la violence sous toutes ses formes, ce n’est pas le sujet. Mais ses combats en faveur des salariés déclassés, au côté de la CFDT, des objecteurs de conscience et des « paysans travailleurs », aux méthodes de contestations peu orthodoxes, ont fait de Simone Brunet une avocate engagée. C’est grâce à cela qu’elle a obtenu la confiance et l’amitié de son illustre confrère Henri Leclerc. « Avec mai 68, un courant de liberté a soufflé sur la France et à Poitiers. Moi, j’étais à la fac de droit par hasard, je ne savais pas ce que je voulais faire. J’ai obtenu le diplôme d’avocat dans une po- chette surprise, sans appétence pour la profession. Mais quand des militants ont eu besoin d’être défendus face à l’oppression, le père de mes enfants et moi-même avons appris sur le tas à utiliser le droit comme un outil pour les aider. »
Avocate "de gauche"
Ils sont les deux seuls avocats « de gauche » dans un barreau de Poitiers qui compte, au milieu des années 70, un peu plus de soixante-dix hommes de robe et... trois femmes (aujourd’hui, elles sont 168 sur 298). Une situation qui ne fait qu’amplifier un instinct féministe bien trempé. Bien avant la loi Veil, cette membre du Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contracep- tion (Mlac) accompagne à plu- sieurs reprises ses semblables dans leur choix d’avorter.
Son militantisme est indissociable de l’exercice du métier. Simone Brunet cite avec délice le nom des confrères qui l’ont inspirée. Me Grandon, qui a prêté serment l’année de sa naissance, ou M Ducluzeau, l’un des avocats de Marie Besnard. « Ceux-là parvenaient toujours à allier insolence et fermeté devant les juges, en restant courtois grâce à une rhétorique parfaite. » France Joubert, illustre fer de lance de la CFDT en région, et Georges Charbonnier font également partie de ses « soleils ». Avec ce dernier, elle a d’ailleurs participé à la création du Toit du Monde.
« J’ai eu la chance de rencontrer des gens exceptionnels qui m’ont beaucoup appris », admet Simone Brunet. Cette amatrice de relations claires et sincères s’efforce d’être fidèle à l’Histoire, même si elle préfère vivre l’instant présent. Justement, à l’heure de terminer l’entretien, elle loue « ses associé(e)s, secrétaires et collaborateurs », les membres du syndicat des avocats de France, sa « seconde famille », et Tiennot Grumbach, le célèbre « avocat des luttes sociales » comme le qualifiait Libéra- tion à son décès en 2003, qui a été son « compagnon de vingt ans ».
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