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Christian Quoniam, éducateur insubmersible
Catégories : Société, Social, Solidarité Date : samedi 19 mai 2018Ex-skipper professionnel, Christian Quoniam a accompagné des centaines de jeunes en difficulté sur son voilier « Magie noire », dans les années 90. Désormais encadrant technique au sein du chantier d’insertion Cap Vert, à Buxerolles, il se consacre corps et âme à la relance de cette opération.
Il rêve de voir son bateau intégrer le chantier de rénovation de Cap Vert, à Buxerolles. Tout prêt. L’emplacement est réservé. Christian Quoniam a déjà visualisé la scène : « La coque de 20,90m sur 4,65m arrivera par camion. Dans la cour, une grue la soulèvera, le bateau passera au-dessus du toit de l’atelier pour finir à sa gauche. »
Encadrant technique depuis 2009 au sein du chantier d’insertion, cet ancien skipper professionnel a proposé il y a quelques mois à son conseil d’administration un projet original. Rapatrier ce voilier, actuellement échoué dans les Deux-Sèvres, pour lui rendre sa vocation de bateau-école dédié aux jeunes en difficulté. L’association a accepté, sous réserve de trouver des fonds (lire ci-dessous).
Un lieu d’introspection
Dans les années 90, « Magie noire » -c’est le nom du voilier- a accueilli à son bord des individus aux parcours chaotiques, souvent violents. Agés de 15 à 21 ans, ils sortaient des services de Protection judiciaire de la jeunesse ou de l’Aide sociale à l’enfance.
Dépourvus de règles de vie communes, ils ne respectaient rien ni personne. Mais au fil des jours, le travail sur le bateau les ouvrait à de meilleurs sentiments. Son propriétaire se souvient : « Tous les gens qui pratiquent la voile vous le diront, la mer transforme les gens. On partait pour six à sept mois, on traversait l’Atlantique. Au milieu de l’océan, les jeunes comprenaient vite qu’ils devaient se faire confiance. La nature offre des conditions extrêmes. Au sein de l’équipage, ils avaient un rôle important. » C’était l’endroit idéal pour une « introspection ».
Après sept années, le navigateur est revenu habiter à terre. C’était plus facile pour ses enfants. Il a alors loué son voilier à une association, qui l’a abîmé et abandonné aux Antilles en 2002. Christian Quoniam a gagné son procès contre l’association, mais celle-ci était insolvable. Il n’a donc jamais pu compenser son préjudice et remettre son bateau en état. Dans les ateliers de Cap Vert, il a continué sa mission de réinsertion de personnes en difficultés sociale, familiale ou financière. Le chantier accueille actuellement huit travailleurs, de 18 à 59 ans, pour une période de vingt-quatre mois maximum, afin qu’ils acquièrent des compétences transférables en entreprise traditionnelle. Et notamment dans le secteur nautique car, historiquement, Cap Vert est spécialisé dans la conception et la rénovation de bateaux. Il n’y a pas de hasard. Pour Christian Quoniam, une chose est sûre, pour que « Magie noire » retourne à l’eau, « ce projet est une occasion à ne pas rater ».
Histoire de « Magie noire »
Issu d’une « famille modeste » de la région parisienne, Christian Quoniam était bien loin de l’univers nautique quand il a découvert le monocoque à trois mâts de quarante mètres de Jean-Yves Terlain, baptisé « Vendredi 13 ». C’était au départ de la première Route du Rhum, en 1978. « J’ai eu un flash. Ce jour-là, je me suis dit que je voulais devenir skipper. » Il a tout appris et, en 1983, à l’âge de 23 ans, le navigateur a commandé les plans de « Magie noire » à Yves-Marie Tanton, l’architecte de « Vendredi 13 ». Christian Quoniam a d’abord emmené des touristes puis, dans les années 90, des jeunes à la dérive. Le voilier est devenu « avant tout un bateau de travail ».
Une bouteille à la mer
Cap Vert vient de lancer un appel aux dons sur la plateforme spécialisée Zeste. L’association a fixé le montant du financement participatif à 45 000€, une somme qui permettrait d’acheminer le bateau jusqu’à Buxerolles, d’aménager de bonnes conditions de travail sur le chantier, de nettoyer et réparer la coque, mais aussi de réaménager et redonner un coup de peinture à l’intérieur. Cette somme financera à la fois les heures de travail des salariés en insertion et les matériaux. Tous les contributeurs auront leur prénom sur la coque et viendront visiter le chantier. Pour trouver ce projet, c'est ici « Planète bleue ».
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