Automutilations : une hausse inquiétante

Les troubles mentaux touchent les enfants de plus en plus tôt. Parmi ces maladies, l’automutilation serait plus répandue qu’on ne le pense. Chef du pôle de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent du centre hospitalier Henri-Laborit, Ludovic Gicquel a consacré une étude au sujet.

Steve Henot

Le7.info

Anxiété, dépression, troubles du comportement… Selon une récente étude publiée sur le site de la revue « Child and Adolescent Psychiatry and Mental Health », les moins de 15 ans seraient de plus en plus sujets aux maladies mentales. Ces troubles seraient même, désormais, en tête des maladies affectant les enfants dans le monde. Et parmi eux, l’automutilation serait particulièrement bien placée.

+300 % en vingt ans

Ludovic Gicquel, chef du pôle de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent du CHU de Poitiers, a pu le mesurer, dans le cadre d’une enquête internationale qu’il a menée dès 2012 sous l’égide du bureau Europe de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Une première en France. Fin 2015, son constat était frappant : sur les 1 800 adolescents interrogés, en Alsace et en Poitou-Charentes, 32,7 % ont reconnu s’être déjà blessés volontairement, sans intention de se donner la mort. « Avec une propension auto-agressive plus marquée chez les filles. »

Brûlures, scarifications, ongles rongés… L’automutilation revêt différentes formes, mais traduit toujours un mal-être profond, parfois un traumatisme passé. Pour l’adolescent, cette pratique est « une espèce de régulateur de ses émotions, lorsque les autres mécanismes ne fonctionnent pas ou sont insuffisants. C’est une mauvaise solution à un vrai problème ». Elle serait aussi, « selon le langage adolescent, un moyen de mettre des mots sur ses maux », observe Ludovic Gicquel.

Aujourd’hui, il est estimé que les automutilations auraient explosé de 300 % en seulement vingt ans. De manière sourde. « Les adolescents interrogés étaient scolarisés, n’avaient pour la plupart jamais consulté pour ça… Parents et médecins ne l’ont pas vu. C’est un phénomène qui s’est majoré d’année en année, sans alerter les acteurs », analyse le professeur. Comment l’expliquer ? « Il y a l’influence des réseaux sociaux, mais aussi la hausse des phénomènes groupaux, qui ont démocratisé cette pratique. Les grandes lignes n’ont pas tant changé, c’est leur incarnation qui a évolué. Et certains outils sont très inducteurs. »

Ludovic Gicquel y voit « un signe d’alerte qui doit mobiliser les soignants », plus que jamais, car « l’automutilation augmente le risque du passage à l’acte suicidaire. C’est souvent la dernière marche ». Pour le prévenir, le professeur recommande de prendre les devants. « Il faut demander aux jeunes s’ils se blessent volontairement et pourquoi. En général, ils répondent. On ne trouve que ce que l’on cherche. »

À lire aussi ...