Abeilles : l’hécatombe continue

L’Europe vient d’interdire trois insecticides puissants utilisés en agriculture. Cette décision vient à point nommé, alors que la mortalité des abeilles atteint des sommets en France. Moins touchée, la Vienne n’échappe pas au phénomène. Toutefois, les produits phytosanitaires n’expliquent pas tout...

Romain Mudrak

Le7.info

Depuis vingt ans, la population d’abeilles ne cesse de diminuer en France. Et cette année se caractérise par un nouveau record. Près de chez nous, la Bretagne et la Dordogne sont les plus touchées. Là-bas, certains apiculteurs ont perdu jusqu’à 100% de leurs colonies. Dans le département, difficile d’effectuer une estimation globale, mais le chiffre tournerait autour de 30% de perte à la sortie de l’hiver. La semaine dernière, le président des Apiculteurs réunis de Monts-sur-Guesnes a porté plainte contre X afin de savoir ce qui a tué les pensionnaires de cent cinquante de ses ruches. Lui a déjà sa réponse : les pesticides.

L’interdiction récente, formulée par l’Union européenne, de trois néonicotinoïdes parmi les plus puissants du marché a ravi les professionnels et les défenseurs de l’environnement. « Ces insecticides, comme d’autres produits phytosanitaires, ne tuent pas forcément les abeilles immédiatement, mais provoquent des changements comportementaux qui désorganisent le fonctionnement complet de la ruche », explique Thierry Gargot, président de l’Abeille en Vienne, la principale association d’apiculteurs amateurs et professionnels du département. Malgré la décision des parlementaires européens, la crainte de voir apparaître d’autres produits de substitu- tion tout aussi destructeurs demeure dans tous les esprits. De la même manière, la députée des Deux-Sèvres Delphine Batho s’est opposée publiquement à une « multiplication des dérogations » pour certaines cultures.

Causes "multifactorielles"
Face à la menace, certains apiculteurs n’hésitent pas à déplacer leurs ruches en ville dans les périodes les plus risquées. C’est le cas de Gérard Guillot, amateur averti installé à Ligugé, qui s’est rendu compte que ses abeilles étaient beaucoup plus productives lorsqu’il les implantait à Poitiers plutôt qu’en périphérie. Un comble ! Reste que les produits phytosanitaires n’expliquent pas tout. Sophie Gateff, professionnelle installée dans le Sud-Vienne, a ainsi perdu 30% de ses colonies. Elle évoque la question des « changements climatiques » : « Au niveau des températures, on passe d’un extrême à l’autre. Et l’hiver a été très pluvieux, ce qui a empêché les abeilles de faire des réserves. »

Le varroa(*), parasite de l’abeille, se propage également. Comme pour les oiseaux, la suppression des haies et l’usage de désherbants réduisent également les sources naturelles de nourriture (lire le 7 n°396). « Sans oublier la hausse des monocultures, qui entraîne un déséquilibre de leur régime alimentaire », note Henri Richard, formateur au Ru- cher Ecole de Saint-Benoît. Bref, comme souvent, les causes sont « multifactorielles ». En trente-cinq ans, il a transmis la bonne parole à 750 apiculteurs. Ces amateurs avertis forment l’essentiel du contingent d’apiculteurs en Poitou-Charentes (1 268sur1558en2016).«Ce sont essentiellement des urbains à qui on rappelle les règles générales de fonctionnement de la nature, en même temps que celles de la ruche. Ces gens deviennent des consommateurs éclairés. » Et acquièrent un rôle important dans la préservation des abeilles.

(*)Le Groupement de défense sanitaire apicole de la Vienne organise une conférence sur le Varroa, le 6 juin à 14h, salle de la Cure, à Jaunay-Marigny.

 

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