Le meneur d’allure

Jean-Paul Brandet, 72 ans. Charismatique président du marathon Poitiers-Futuroscope depuis 2010. A un mois de l’épreuve, cet ex-sprinter court désormais d’un rendez-vous à l’autre. Bénévole hyperactif, l’ancien prof de la faculté de Sports a un don pour fédérer des équipes et des envies.

Romain Mudrak

Le7.info

Il est du genre à se livrer facilement. En revanche, Jean-Paul Brandet ne plaisante pas avec la confiance. « Je tutoie vite quand j’ai des affinités avec quelqu’un, mais on ne se moque pas de moi deux fois. » L’interlocuteur est prévenu. Au final, la relation démarre sur des bases saines. D’égal à égal. A 72 ans, le président du marathon de Poitiers-Futuroscope a beaucoup de choses à raconter, mais pas beaucoup de temps. A un mois de l’épreuve, les journées de travail (bénévole) sont longues. Depuis son arrivée, en 2010, la reine des courses ne cesse de se développer. « C’est grâce à toute l’équipe qui est extraordinaire. Elle fait preuve à la fois de cha- leur humaine et de rigueur dans l’organisation. » Certes, l’équipe y est pour beaucoup, mais ce personnage haut en couleur dégage une sacrée quantité d’atomes crochus. Fanny Raoult, déficiente visuelle, championne de France handisport du 10km et du semi-marathon, le confirme : « C’est un homme au grand cœur. J’ai dit publiquement que je viendrai tous les ans tant que Jean-Paul sera là. » Et elle sera sur la ligne de départ pour la quatrième fois, le 27 mai, avec Jean-Michel Masson, son guide.

Poitiers-Versailles en 1 789 minutes
Ses multiples expériences dans le domaine de l’athlétisme font de Jean-Paul Brandet une référence. Signe particulier : il a toujours démontré une capacité phénoménale à mobiliser des équipes autour d’un projet commun. Tout jeune « prof de gym » à la faculté des Sports de Poitiers -qu’il a vu naître au début des années 70-, ce Cognaçais d’origine a cofondé le « PEC », un club mythique à Poitiers devenu ensuite l’Entente Poitiers Athlé (EPA). Il est à l’initiative des Foulées de Poitiers et du Tour de la Vallée du Clain, en 1990, au départ desquels des milliers de coureurs plus ou moins affûtés se sont alignés. En 1989, il s’est mis en tête de relier Poitiers à Versailles en « 1 789 minutes ». Une façon bien à lui de célébrer le bicentenaire de la Révolution française. Cent cinquante cou- reurs ont bouclé le parcours dans la cour du château. « Le quartier était gardé par la police parce qu’une réunion de ministres européens s’y déroulait. On n’avait prévenu personne, on a fini au culot ! » Trois ans plus tard, il a réitéré l’aventure, vers Séville cette fois, pour fêter les cinq cents ans de la découverte de l’Amérique...

Ne lui demandez pas son chrono sur l’épreuve reine des 42km ! Il ne l’a jamais courue. Son profil était plutôt celui d’un sprinter. « J’ai été le premier Charentais à passer sous la barre des onze secondes au cent mètres dans les années 70. » Ce fin technicien a très vite endossé le rôle d’entraîneur. Et à très haut niveau. Entre 1984 et 1998, il a pris les rênes de l’équipe de France universitaire de cross puis, plus largement, du groupe France de courses toutes dis- ciplines confondues, de 1993 à 1999. Jean-Paul Brandet se délecte encore de la victoire sur 1 500m de son protégé Kader Chekhémani, durant les Jeux Olympiques universitaires de Buffalo aux Etats-Unis, en 1993. « Il n’avait pas atteint les minima pour se qualifier. J’avais insisté pour le repêcher. »

Docteur en physiologie
Mais tout cela, c’était du bénévolat. Son vrai métier consistait à former les étudiants de la faculté des Sports de Poitiers, à commencer par ceux qui préparaient le concours de l’enseignement. Treize mille jeunes auraient suivi ses cours entre 1972 et 2008, selon un décompte officieux réalisé par l’ancien doyen François Le Minor, qui a également été l’un de ses partenaires de relais sur les pistes d’athlétisme. L’actuel directeur de l’UFR de Staps Aurélien Pichon et son prédécesseur Laurent Bosquet font figure de « fils spirituels ». En parlant de filiation, Jean-Paul Brandet, marié, est bien le père d’un garçon mais ce n’est pas Pierre-Henry Brandet, ex-journaliste poitevin, devenu porte-parole du ministère de l’Intérieur avant de rejoindre la Fédération de tennis et de créer sa propre agence. C’est dit !

Dans un portrait que le « 7 » lui consacrait en 2013, Laurent Bosquet témoignait d’une « amitié sincère » avec son mentor. Comme lui d’ailleurs, Jean-Paul Brandet est devenu au fil des années un véritable théoricien du sport, s’appuyant toujours « sur des problématiques concrètes soumises par des gens de terrain ». Le « maître » a décroché un doctorat en physiologie à l’âge de 50 ans. Ses travaux de recherche l’ont amené à collaborer avec un certain Luc Léger. Saviez-vous d’ailleurs que ce fameux test d’effort, utilisé dans le monde entier pour connaître sa vitesse maximale aérobie (VMA), a été en partie validé à Poitiers ? Jean-Paul Brandet allie la chaleur humaine et la rigueur. Il n’y a pas de hasard, ces qualités ressortent aussi des commentaires des participants au marathon de Poitiers-Futuroscope. Lui qui avait pris les fonctions de président pour « occuper sa retraite » après quarante années hyperactives a su faire sa place. Et insuffler un état d’esprit.

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