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Jia Nan Yuan. 32 ans. Quadruple championne de France de tennis de table. D’origine chinoise, naturalisée française. Porte depuis quatre ans les couleurs du TTACC 86, plus que jamais en course pour le titre de Pro A. Rêve de disputer les JO sous pavillon bleu-blanc-rouge.
Soir de match au complexe universitaire de Poitiers. Grève des trains oblige, les joueuses ont dû prendre la route pour rallier la salle dans les temps. Sur place, un comité de journalistes attend les nouvelles stars locales. Et pour cause. A quelques heures d’affronter Metz, le TTACC 86 pointe en tête de la Pro A et fait figure de favori pour le titre de champion de France. Constant tout au long de la saison, le club de tennis de table doit en grande partie sa réussite à sa porte-étendard. Jia Nan Yuan, 32 ans, n°3 française au dernier pointage, 70% de victoires cette année. Sourire aux lèvres, décontractée malgré l’en jeu, la Chinoise d’origine prend le temps de se prêter au jeu de l’interview. Dans un Français très correct teinté d’un léger accent, la pongiste revient sur un parcours atypique, loin des projecteurs.
Tout commence en 1985, dans la province du Henan. Née à Zhengzhou, la capitale, Jia Nan Yuan découvre le tennis de table à l’âge de 6 ans, poussée par une mère passionnée. Dans l’empire du Milieu, le « ping » fait partie des sports les plus pratiqués et par conséquent les plus médiatisés. De son enfance, la Chinoise d’origine garde le souvenir d’interminables séances d’entraînement, jusqu’à trois fois par jour. « Le ping-pong a toujours rythmé ma vie, explique-t- elle. En Chine, la rigueur est de mise et la concurrence très rude. J’ai rapidement intégré l’équipe de province, puis l’équipe nationale en catégorie junior. » A 18 ans, convaincue des difficultés qu’elle rencontrera pour s’imposer en leader dans son pays, Jia Nan Yuan s’envole pour la France et atterrit à... Laval.
« Pas un mot de français »
Les Messines viennent d’arriver. Rapide pause pour saluer les adversaires du soir, avant de reprendre le fil de la discussion. « J’étais totalement perdue en débarquant en France, souligne la pongiste. Je ne parlais pas un mot de français ni d’anglais. » Passer d’une province de 97 millions d’habitants à une ville de moins de 50 000 résidents n’est pas chose aisée. Motivée par le projet sportif de son club de Saint-Berthevin/Saint-Loup, Jia Nan Yuan réussit, au fil des mois puis des années, à s’intégrer et à s’imprégner de la culture française. Dix ans durant, elle enchaîne les succès sous les couleurs du club mayennais, signant plusieurs deuxièmes places de Pro A et un titre de championne de France en individuel. De ces années, reste également le souvenir de son union avec son mari, Tian Yuan Chen, lui aussi joueur professionnel (n°10 français), avec lequel elle vit aujourd’hui à Cholet. Le couple a d’ailleurs donné naissance à un petit garçon, il y a quatre ans. « Tian Yuan et moi nous sommes rencontrés en Chine, lors des compétitions. A l’époque, nous nous contentions de nous saluer. Le hasard a voulu qu’on se retrouve ici. Je m’entraîne désormais avec lui et ses coéquipiers de l’équipe de La Romagne. »
« Je ne compte pas m'arrêter »
Le chapitre poitevin s’ouvre en septembre 2014, au lendemain de la naissance de son fils. En quête de nouveaux défis sportifs, Jia Nan Yuan rejoint les rangs du TTACC 86, alors pensionnaire de Pro B. Quatre ans plus tard, le bilan est exceptionnel. Une montée en Pro A, trois titres supplémentaires de championne de France en individuel et une saison 2017-2018 qui pourrait se conclure en apothéose. « Ce titre de Pro A, j’en rêve, reprend-elle. Je vais avoir 33 ans, mais je ne compte pas m’arrêter pour autant. Regardez ma copine Yuan Zheng, elle joue toujours en élite à 45 ans ! »
Naturalisée en 2011, Jia Nan Yuan espère porter un jour le maillot bleu-blanc-rouge. « Jouer pour la France serait une immense fierté, l’aboutissement d’une carrière sportive accomplie et d’un parcours de vie atypique. » A demi-mots, la pongiste avoue avoir les JO de 2020 dans un coin de sa tête. A ce jour, aucune Française n’est meilleure qu’elle. L’espoir est permis. En attendant, la licenciée du TTACC 86 et ses coéquipières auront peut-être un titre à fêter. Après l’interview, elles ont battu Metz (3-2), puis Saint- Quentin (3-2) cinq jours plus tard. Dernière échéance, le 15 mai, à domicile, face à Joué-lès-Tours.
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