Un oiseau rare

Alexandre Thévenin. 45 ans. A appris la fauconnerie à l'armée, fait voler des hiboux dans des pièces de théâtre, formés certains pour jouer sur un plateau de cinéma... Aujourd'hui, il observe des espèces endémiques au Pôle sud.

Steve Henot

Le7.info

Un léger crachin s’abat, ce matin-là sur Saint-Benoît. De petits cris s’échappent à l’arrière du cabinet médical qui borde la route de Poitiers. Ou plutôt, ça hulule. 11 h, c’est l’heure du repas pour Jibral, Hiboute, Marella, Ayalas et Petit, les cinq hiboux grand-duc d’Alexandre Thévenin. Manteau dépareillé sur le dos, gant en cuir sur la main gauche, le fauconnier est très attentif à la bonne forme de ses oiseaux. L’un d’eux sera présenté au public, ce week-end, dans le cadre d’un festival geek, dans les Pyrénées-Orientales. « S’ils pèsent 100 grammes de plus ou de moins, je ne peux pas les faire voler en prestation », explique l’homme de 45 ans. Sans compter les nombreuses heures d’affaitage (dressage). « Il faut entre 1 700 et 1 800 heures avant de présenter un grand-duc pour un vol. » Depuis 2006 et la création de son association « La tribu des grands hiboux », Alexandre Thévenin est régulièrement invité à présenter ses oiseaux au grand public, dans les écoles ou à l’occasion de spectacles et de tournages de cinéma. Notamment le premier volet d'Harry Potter « Pour moi, c’est un kiff pas possible. Quand mes oiseaux volent, je vole avec eux. »

Vers d’autres horizons

D’emblée, il a fait le choix de l’itinérance, afin de multiplier les expériences, les échanges. Un véritable moteur pour ce bavard invétéré, forte personnalité. « Je participe à une rencontre entre les hiboux et les gens. Fascination ou peur, la réaction est toujours extrême et cela suscite le dialogue. Alors, on peut sensibiliser, faire passer un message de protection, de paix. »

Réhabiliter le hibou grand-duc, souvent perçu comme un « oiseau de malheur » n’est pas chose aisée. « En France, les superstitions sont bien ancrées », regrette le Limougeaud, pour qui le hibou est avant tout « un animal magnifique, charismatique ». De son service militaire à la base aérienne de Villacoublay, où il a appris les rudiments de la fauconnerie, aux années passées à se former dans plusieurs voleries de France, le quadra a très vite appris à apprécier cette espèce. « Cela fait vingt ans que je la connais. Mais c’est toujours le hibou qui choisit le bonhomme. On s’apprivoise mutuellement ! »

Ce lien unique, fruit de nombreuses années de travail, fait aujourd’hui d’Alexandre Thévenin un fauconnier reconnu. Cela lui a notamment ouvert des portes vers des horizons inattendus. Notamment ceux de l’Antarctique, où il fait découvrir des espèces endémiques à de riches touristes, à bord de croisières de luxe. Un nouveau monde. « Là-bas, t’es sur Mars ! »

« C’est toujours le hibou qui choisit le bonhomme. »

A près de 28 000 km de Saint-Benoit, l’éloignement avec ses hiboux n’est pas facile à vivre pour Alexandre Thévenin. « D’abord avec ma famille, puis ensuite avec les oiseaux, s’empresse de préciser ce père de trois enfants. A distance, je ne peux rien faire. Je dois toujours trouver quelqu’un pour s’occuper de mes hiboux. » Cette expérience au Pôle sud, il n’aurait pu l’envisager sérieusement « sans une femme qui vous permet de faire ça. Cela a été un an de discussions, avant de partir ». C’est aussi, estime-t-il, « une histoire de rencontres et de chance ».

Après une clope grillée et une heure passée à se raconter, débout et agité, au milieu de son petit local en désordre, Alexandre Thévenin reconnaît « un parcours de vie étonnant » mais malgré tout « cohérent ». Pédagogue dans l’âme, l’ancien professeur de français a toujours été porté par un profond désir de transmettre aux autres son savoir, sa passion. Avec une seule limite : « Pas de hiboux à la maison ! »

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