A l’écoute coûte que coûte

Laurent Montaz. 59 ans. Chef de l’unité de soins palliatifs au CHU de Poitiers. Au plus près des nécessiteux depuis le début de sa carrière, ce médecin profondément humain envisage son existence comme un chemin d’apprentissage. « Rien n’est immuable, tout est parcours. » Le sien force le respect.

Arnault Varanne

Le7.info

Dans la vie, certains contournent les obstacles sans jamais oser les franchir. Lui n’est pas de cette trempe-là, même s’il revendique une forme de droit à l’humilité. « Disons que j’essaie de me tenir debout devant l’obstacle et, le cas échéant, de faire quelques pas. » Jeune interne, Laurent Montaz avait envisagé de se diriger vers « la médecine générale en campagne ». Il a renoncé par « peur de se faire broyer ». Qu’à cela ne tienne, le natif de Paris s’est orienté vers les urgences. « Pas à l’aise » avec cette discipline exigeante, il a suivi un parcours de médecin urgentiste. Même processus formateur s’agissant de la gériatrie et de la fin de vie.

« Un jour, mon chef de service m’a indiqué qu’il me verrait bien coordonner l’équipe médicale qui se mettait en place à la prison et au Relais Georges-Charbonnier. Pendant cinq ans, j’ai beaucoup appris sur les gens, l’univers carcéral… » A l’aube de la soixantaine, le chef de l’unité de soins palliatifs du CHU de Poitiers -depuis 2006- continue de semer des petits cailloux sur sa route. Il côtoie au quotidien des malades au stade ultime. Son sens de l’écoute et sa dialectique tempérée font merveille. Le mot « injonction » ne fait assurément pas partie de son vocabulaire. Calme « comme (m)on père », Laurent Montaz dégage en réalité une profonde humanité. Il inspire confiance.

« L’oreille et le pont »

« S’il y a bien un service où on doit redonner leur place aux personnes, c’est bien les soins palliatifs. Elles ont envie qu’on s’intéresse à ce qu’elles sont, pas simplement à leur maladie. Ce que vous donnez aux patients en écoute, ils vous le rendent au centuple. Les soins palliatifs, c’est un rendez-vous d’authenticité. » Ce père de deux garçons file la métaphore. « D’une certaine manière, je suis l’oreille et le pont. L’oreille pour l’écoute, le pont pour permettre aux malades et à leurs proches de se rejoindre. » Aucune fierté là-dedans eu égard à « la souffrance autour », juste le sentiment d’« être utile » et « à ma place ». « Avec une équipe soudée », précise-t-il. Tous les ans, l’unité de soins palliatifs assure près de mille suivis, sur site et à l’extérieur.

S’il exerce au quotidien « un métier douloureux », Laurent Montaz trouve dans la spiritualité une source d’inspiration. Chrétien pratiquant « avec ses qualités et ses défauts », il a appris à « accepter les choses », « prendre des risques », à faire montre de « bienveillance » aussi. Son chemin se poursuit, au sens propre comme au figuré. En dehors de l’hôpital public, il cultive des passions privées comme la lecture -c’est un grand fan d’Eric Marchal- et… la marche. Sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle, le marcheur a atteint Pampelune. Il lui reste près de sept cents kilomètres avant de rallier la province de la Corogne. Promis, il ne se dérobera pas devant l’obstacle, même s’il n’a « jamais misé sur son physique ».

« Plus épanoui aujourd’hui »

Comme tout un chacun, l’ancien urgentiste trimbale un sac à dos rempli de petites peines et de grandes fêlures. Mais contrairement à ses contemporains, qui s’affaissent tels des roseaux sous le poids des ans, le Poitevin reste debout. Toujours. « Je me trouve plus épanoui aujourd’hui. J’ai l’impression que ce que je perds d’un côté, je le gagne en ouverture d’esprit… » Bien sûr, il a « compris depuis longtemps que la vie passait vite et que nous allions tous mourir ». Pas de quoi l’accabler ou l’indigner. Laurent Montaz cultive la résilience et le positivisme comme d’autres les fruits. « Fidèle en amitié », il compte parmi ses proches un agrégé, un informaticien, un migrant, des plombiers, électriciens… Une vraie société en min­­­­iature à l’en croire. Bien sûr, il aimerait être « plus disponible » et moins « mettre la pression sur les autres » dans le souci « que les choses avancent ». Les prochaines décennies ne seront sans doute pas de trop pour que son parcours professionnel et personnel exhale un parfum d’accomplissement total. 

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