Philippe Arlin : « On fait à tort le procès de la sexualité »

La Journée internationale des droits des femmes se déroule ce jeudi, dans un contexte marqué par la libération de la parole des victimes de violences sexuelles. Le sexologue poitevin Philippe Arlin livre sa vision de rapports hommes-femmes plus équilibrés.

Arnault Varanne

Le7.info

Philippe Arlin, l’affaire Weinstein a libéré la parole des femmes victimes d’abus sexuels comme jamais dans l’Histoire. Comment analysez-vous le phénomène ? 
« Je me réjouis de #Balancetonporc ou de #Meetoo, pour plein de raisons. D’abord, j’observe ce phénomène depuis très longtemps. La sexualité continue à être le terrain d’un règlement de comptes entre hommes et femmes. Et rien n’est réglé. Il y a donc un point positif, c’est la prise ce conscience qu’il existe un problème. On fait à tort le procès de la sexualité et du désir sexuel. C’est ce qui me gêne le plus. Le point très négatif, c’est que les hommes pourraient devenir les victimes des femmes. »

Il y aurait donc de manière sous-jacente l’affrontement de deux courants féministes ?
La tribune du Monde (signée entre autres par Catherine Deneuve, ndlr) a montré cet affrontement. C’est clairement une catastrophe parce qu’elle mélange les choses. Mais il s’agit avant tout d’un règlement de comptes entre femmes. D’un côté celles qui se sont battues à une certaine époque pour obtenir des droits, notamment à l’avortement, Elles semblent s’être habituées à tout le reste, qui serait un moindre mal. De l’autre côté, des représentantes d’un féminisme construit contre les hommes, avec des relents moralisateurs. Je m’élève contre ce discours anti-mecs parce que anti-sexualité. Il existe une troisième voie qui prône des rapports plus égalitaires. »

N’est-ce pas le principal danger du grand déballage auquel on assiste ?
« Il faut faire très attention aux dérives, aux dénonciations calomnieuses et ne jamais oublier la présomption d’innocence. Si la sexualité devient une espèce d’attitude liée aux hommes, donc liée à des porcs, dans l’acception la plus péjorative du terme, on fait fausse route. En revanche, cela permet à beaucoup de femmes victimes d’abus sexuels de s’exprimer. Car elles sont très nombreuses… »

« Libres d’exprimer leur désir »

Dans votre cabinet, vos patientes parlent-elles de ce sujet ?

« Les femmes passent leur temps à me parler d’abus, d’irrespect… Pas dans un sens accusateur, mais plutôt parce que ces situations résultent de souffrance, d’incompréhension et d’un manque de dialogue. Je crois profondément à une éducation tournée vers la valorisation du plaisir, donc du respect des choix individuels. »

Comment expliquez-vous qu’une femme qui exprime son désir soit encore perçue comme une «allumeuse» ?
« Parce qu’exprimer son désir signifie historiquement se mettre en danger. On est dans un monde où on utilise une expression à la c… « Qui ne dit mot consent ». Le problème, c’est qu’on reprend le même mot pour justifier une liberté. Il faut en sortir. Le consentement est d’une certaine manière une soumission au désir de l’autre, ce n’est pas un désir. »

Vous qui êtes sexologue, quel pouvoir vous octroyez-vous ?
« Mon combat, c’est de faire en sorte que la sexualité ne soit plus un tabou, qu’elle ne soit plus stigmatisée. Hommes et femmes, hétéros et homos doivent être libres d’exprimer leur désir librement et sans contrainte avec la personne de leur choix. Ce n’est pas utopique. Après, j’ai bien conscience qu’on touche à un socle fondamental de notre société et que tout le monde n’y est pas prêt. »


Le chiffre
22.
En pourcentage, il s’agit de la hausse du nombre de violences sexuelles enregistrées dans la Vienne, en 2017. Cinquante-et-un faits supplémentaires ont été signalés, dont un tiers rien qu’au cours du dernier trimestre. A l’échelle nationale, cette hausse n’est que de 9%.
 

Une foule d'événements 
Comme il le fait depuis deux ans, Bruno Belin convie, ce jeudi, près de deux cents femmes à dîner à l’Hôtel de Département. Le journaliste et historien Frédérick Gersal invitera les convives à un voyage gastronomique à travers des prénoms célèbres (Suzette, Madeleine, Charlotte…). Dans le même temps, Karine Desroses remettra les Trophée des femmes de l’artisanat et le Prix Soroptimist de l’Excellence à la Chambre de métiers et de l’artisanat. De son côté, le Collectif du 8 mars se réunira, de son côté, ce jeudi à 18h30, sur la place d’Armes. Il invite tous ceux et celles qui le veulent à venir habillés en noir, en soutien aux militantes Me Too et aux femmes polonaises et avec un ruban blanc, signe de la lutte contre les violences. Cette manifestation sera suivie d’un lm et d’un débat au Tap-Castille, à 20h30 : « Les Conquérantes de Petra Biondina Volpe ». Le syndicat CGT du CHU de Poitiers appelle, pour sa part, l'ensemble des salariés de l'hôpital poitevin à faire grève, pour dénoncer les conditions de travail des femmes. La CGT demande à la direction de "prévenir la pénibilité des métiers à prédominance féminine", de "mettre en place tous les dispositifs nécessaires pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles", mais aussi d'arrêter "d'imposer des contrats à temps partiel aux femmes". Un rassemblement est prévu, demain, de 13h à 15h, au CHU de Poitiers. Dans un tout autre genre, la Journée de la femme smarvoise se déroulera dimanche... à Smarves. Vide-dressing féminin, pilate, body balance, danse, shiatsu, maquillage, vente de lingerie, de savons et épilation sont au programme à l’espace François-Rabelais.

 

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