mardi 24 décembre
Yoann « Derek » Evita, 34 ans. Formé à l’art du déplacement par les Yamakasi eux-mêmes. Sa philosophie ? Aucun obstacle n’est insurmontable, dans la vie comme dans la ville. Réfléchi et posé, ce cadre de la grande distribution n’improvise jamais ses sauts. Surtout les plus extrêmes.
Le 10 mars, Yoann Evita va exaucer l’un de ses rêves. Ce jour-là, son association Hokage Style Urbain organisera, à Poitiers, une initiation à l’art du déplacement avec un invité d’honneur, Chau Belle. Le visage emblématique du film Yamakasi est aussi l’un des maîtres de Yoann. C’est lui qui l’a formé à cette activité physique devenue au fil des années un véritable état d’esprit.
Yamakasi, c’est plus qu’un blockbuster produit en 2001 par Luc Besson. Il s’agit surtout d’un groupe de copains d’Evry qui a érigé la banlieue parisienne au rang de scène nationale. Le mobilier urbain est devenu le décor de leur théâtre à ciel ouvert où les prouesses physiques s’enchaînent. Yoann Evita a croisé leur chemin à l’âge de 20 ans. « J’étais en fac d’éco-gestion et je cherchais un nouveau sport. J’ai rencontré Sérika Kingmen, membre de la première génération de Yamakasi, puis Chau Belle, Williams Belle, Laurent Piemontesi et Yann Hnautra qui ont tous les quatre joué dans le film. Pendant un an, je n’ai fait aucun saut, uniquement de l’entraînement physique, c’était la règle. » Patience et persévérance sont deux grandes qualités développées par ce sport méconnu.
Confiance en soi
Un peu plus tard, lorsqu’il devient assistant comptable pour l’enseigne Carrefour France, il s’échappe tous les soirs afin de pratiquer sa passion. Déterminé, les muscles affûtés, il a sauté pour la première fois d’un pont de six mètres de haut. Et ceci à trois reprises. Une sorte d’examen de passage. « J’avais très peur mais je me suis lancé. » Cette phrase résume bien la philosophie des Yamakasi. « L’idée, c’est de pas- ser l’obstacle quel qu’il soit, par tous les moyens. Je sais que c’est possible, à moi de trouver le bon itinéraire et d’aider les autres dès que je peux », raconte Yoann. Si vous avez vu le film, vous visualisez certainement ces athlètes qui prennent appui sur un arbre pour grimper en haut d’un mur de cinq mètres ! Un défi impossible si on l’attaque de front… « Ce genre de principe, je l’applique à toutes les difficultés de la vie. Quand j’ai passé un examen ou un entretien pour un boulot, j’avais davantage confiance en moi. »
Canaliser les têtes brûlées
Oser se lancer sans hésiter, sans regretter. Mais attention, pas sans réfléchir. Yamakasi signifie en lingala « Esprit fort, corps fort ». En l’occurrence, chaque saut extrême requiert plusieurs mois de préparation. Yoann Evita a déjà bondi d’un immeuble de six étages à un autre plus petit, tous deux distants d’une dizaine de mètres. Sans jamais rien se casser ! Les saltos arrière sans élan n’ont plus de secret pour lui. En 2010, quand la troupe des Yamakasi lui a proposé de partir en Chine pour une série de shows, il n’a pas hésité bien longtemps là non plus. « Pourtant, mon employeur venait enfin de m’offrir un CDI. Ma mère était inquiète, mais elle sait que je suis quelqu’un de réfléchi. » Quelques spectacles et pla- teaux télévisés plus tard, Yoann « Derek » Evita (de son nom d’artiste) prépare une performance acrobatique avec ses camarades pour le vingt-cinquième anniversaire du... Futuroscope. C’est là, en 2012, qu’il rencontre sa future femme, alors réceptionniste dans l’un des hôtels de latechnopole. Ensemble ils s’installent d’abord à Toulon, où Yoann a lancé une association artistique avec cent cinquante adhérents. Puis dès septembre 2014, le couple revient à Poitiers et donne naissance à un garçon qui, à 2 ans, démontre déjà « de bonnes aptitudes à sauter partout à la crèche ! »
Cadre pour une enseigne de la grande distribution, Yoann Evita n’est pas pour autant rangé des affaires. Même s’il confie qu’avec les années et son nouveau rôle de papa, il « commence à prendre conscience des conséquences en cas de blessure ou pire ». Il pratique sa discipline très souvent avec les membres de Poitiers Parkour. Il y a un an, ce passionné de dessin a créé l’association Hokage Style Urbain, dont le nom parlera sûrement aux fans du manga Naruto comme Yoann. Il donne des cours à une trentaine d’élèves d’Isaac de l’Etoile et à une dizaine d’ados et d’adultes de Vouillé. « A travers cette pratique, j’aide les gens à avoir confiance en eux, mais je canalise aussi les têtes brûlées. L’équilibre est souvent difficile à trouver. » Le 10 mars, il espère bien attirer de nouveaux adeptes.
A retrouver sur Facebook : @HokageStyleUrbain
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