Laure Tharel-Amouyal : «Les génies sont des visionnaires»

Parce qu’elle en a eu marre de voir le mot « génie » mis à toutes les sauces, Laure Tharel-Amouyal a choisi de commettre un livre sur le sujet. L’auteure châtelleraudaise y donne notamment la parole au mathématicien et député Cédric Villani ou encore au directeur de l’école 42, Nicolas Sadirac (*). Passionnant.

Arnault Varanne

Le7.info

Laure Tharel-Amouyal, pourquoi ce livre sur un terme aussi communément utilisé ?
« Le mot est extrêmement galvaudé, utilisé la plupart du temps pour qualifier des gens qui ont du talent. Or, le talent n’est pas le génie. Il y a des millions de personnes talentueuses dans le monde. Le génie est rare et s’exprime avec le temps. Einstein ou Mozart ont été reconnus à la postérité. A l’inverse, on ne peut pas dire d’emblée qu’Emmanuel Macron l’est, alors qu’il n’a encore rien fait ! Et puis, entre le talent et le génie, il y a d’autres catégories… »

Quelles sont ces catégories ?
« Il y a les doués, les surdoués (dont le quotient intellectuel dépasse 130, ndlr), ceux qui ont du génie et les génies. Le dénominateur commun, c’est l’intelligence, déployée à des degrés différents. Mais attention, l’intelligence ne signifie pas forcément la réussite. »

Schopenhauer a écrit que le génie consistait à « atteindre une cible que personne ne peut voir ». Vous évoquez, vous, l’intuition comme moteur du génie…  
« L’intuition est une pensée extrêmement profonde, qui se manifeste chez la majorité des gens de manière ténue. Les génies suivent leur intuition, sont très souvent anti-conformistes Ce qui crée un écart avec les autres. »

« Des modèles qu’on ne peut pas copier »

En dehors des disciplines scientifiques, les génies ne font pas forcément l’unanimité. Est-ce au fond une notion si objective ?

« Des tas de gens pensent encore aujourd’hui que leur enfant de 5 ans est capable de peindre comme Picasso. Le génie peut donc être subjectif dans bon nombre de disciplines, comme la littérature, alors même que dans les sciences, les règles sont établies. Dans l’ouvrage, Cédric Villani cite des auteurs de bande dessinée que beaucoup de ses contemporains ne connaissent pas. D’où cette subjectivité… »

En creux,  votre ouvrage ne traduit-il pas une obsession humaine, qui consiste à mettre des individus dans des cases pour se rassurer ?
« Tous les peuples aspirent à avoir des leaders, veulent admirer des modèles qu’on ne peut pas copier. Au final, on a besoin de savoir que le cerveau est capable de produire de tels prodiges. Parmi les surdoués, je cite notamment un jeune Américain de 3 ans, capable de traduire La Guerre des Gaules de Jules César, en latin. »

Mark Zuckerberg, Steve Jobs, Bill Gates peuvent-ils entrer dans la catégorie suprême, en ce sens qu’ils sont des visionnaires ?
« La notion de perception est fondamentale. Les génies voient ce que les autres ne voient pas. Après, dans les exemples que vous citez, le temps nous dira s’ils entrent dans cette catégorie. »

(*) Le journaliste et essayiste Jacques Julliard, le directeur de la collection Folio de Gallimard Jean-Yves Tadié, le professeur de médecine et écrivain Hélène Merle-Béral, ainsi que le président de l’association Mensa Grégory Vogel sont aussi sondés.
« Le génie », éditions Narratif, 20€. 

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