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Toumaï, l’histoire du fémur «oublié»
Catégories : Société, Social, Solidarité Date : mardi 30 janvier 2018Il a rompu le silence après quatorze ans de jeûne médiatique. Le paléoanthropologue poitevin Roberto Macchiarelli est à l’origine des révélations sur le fémur qui pourrait remettre en cause la bipédie de Toumaï, plus lointain hominidé, découvert en 2001 par Michel Brunet.
Le courrier date du 30 octobre 2017, il est adressé à Stéphanie Thiébault, directrice de l’Institut écologie et environnement du Centre national de la recherche scientifique. Son auteur s’appelle Roberto Macchiarelli et voilà ce qu’il écrit au sujet du fameux fémur de Toumaï, collecté sur le terrain en 2001, par la mission franco-tchadienne conduite par Michel Brunet : « Plus de seize ans après sa collecte sur le terrain et treize ans après son identification, ce spécimen exceptionnel reste inconnu de la communauté scientifique. Sa soustraction (…) constitue non seulement un empêchement majeur à l’avancée des connaissances sur l’identité des premiers hominidés, mais aussi un problème majeur pour la crédibilité internationale de la recherche paléoanthropologique française… »
Le doute serait permis
En dévoilant sur la place publique(1) l’un des secrets les moins bien gardés de la paléoanthropologie internationale, le Professeur à l’université de Poitiers et au Muséum national d’histoire de Paris a déclenché une vraie tempête médiatique, au moment même où le 1 843e Congrès de la Société d’anthropologie de Paris (SAP) se tenait à… Poitiers. Aucun hasard dans le choix du calendrier, bien entendu. D’autant que la SAP a refusé à l’ancien membre du laboratoire de Michel Brunet un débat contradictoire autour du fameux fémur(2). Les enjeux sont colossaux. Si le fossile appartient finalement à un grand singe, cela signifie que Toumaï (7 millions d’années au compteur) n’est pas le plus ancien des hominidés sur Terre. Alors, bipède ou pas ? Pour Roberto Macchiarelli, qui l’a eu « quelques minutes sous les yeux », en février 2004, après qu’Aude Bergeret (cf. repères) lui a « demandé son avis », le doute serait permis. « N’oubliez pas que j’ai touché le registre tomographique d’Orrorin, ce qui n’arrive pas à tout le monde ! » Orrorin, bipède de 6 millions d’années, a été découvert par une autre paléoanthropologue tricolore, Brigitte Senut.
« La pièce est trop fragmentaire »
Au cœur du tourbillon médiatique depuis une semaine, Michel Brunet fait front. A nos confrères de Sciences et Avenir, le professeur au Collège de France jure qu’il va « publier les résultats de l’étude sur le fémur dans les meilleurs délais ». Un acte de contrition ? Pas vraiment puisque, dans le même temps, le scientifique, dans l’entretien qu’il nous a accordé (voir 7apoitiers.fr), parle de « polémique qui sort du champ de la science ». Et d’ajouter que la pièce est « trop fragmentaire » pour en tirer des conclusions. En outre, « il n’existe pas de connexion anatomique entre ce fémur et Toumaï, ce qui reste un préalable en paléoanthropologie. »
Michel Brunet n’a pas souhaité développer sa réponse dans Nature, arguant que « ses études étaient en cours » et qu’il ne « dirait rien avant ». De quoi sans doute alimenter toutes les rumeurs autour de la bipédie de Toumaï. De son côté, Roberto Macchiarelli réfute l’hypothèse de la « vengeance » ou même d’une prétendue « jalousie ».
- Le prestigieux magazine Nature a publié, dès le 22 janvier, un long article sur la part d’ombre autour des découvertes de Toumaï.
- Dans le Figaro (26/01), le président de la SAP, Gilles Bérillon, assure que « cette communication a été refusée car elle ne répondait pas aux critères demandés sans pression de qui que ce soit et d’aucune sorte ». Ces critères sont la rigueur scientifique, l’adéquation avec le thème et le principe éthique de la recherche.
« Je ne sais pas si Toumaï est bipède ou pas. Tout ce que je veux, c'est que cette pièce parle. » Treize ans après sa découverte fortuite du fameux fémur, Aude Bergeret réclame la vérité. En 2004, la jeune étudiante est en DEA (l'équivalent du Master 2) dans le laboratoire de paléoanthropologie de Michel Brunet. Elle est chargée d'étudier des os d'animaux trouvés au même endroit que Toumaï afin de comprendre dans quelles conditions s'est déroulé le processus de fossilisation. Dans la collection du laboratoire, elle met alors la main sur un os de grande taille et le montre à Roberto Macchiarelli. C'est le début de l'histoire. « A mon retour d'un séjour au Tchad, mon matériel d'étude avait disparu », se souvient l'intéressée. Qui n'a pas obtenu la place en thèse qu'elle convoitait : « Je ne sais pas si c'est lié ou si mes résultats étaient mauvais. En tout cas, mon DEA ne s'est pas déroulé sereinement. » Finalement elle travaillera quatorze mois sur un projet européen avec Roberto Macchiarelli, avant de changer de voie. « Je ne suis pas aigrie. Je ne voulais plus faire carrière dans un milieu où les gens se tirent dans les pattes », conclut l'actuelle directrice d'un Muséum d'histoire naturelle du sud de la France.
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Patricia Thoré « de la Maraf ». 67 ans. Originaire de Rochefort, arrivée dans la Vienne en 1998. Ancienne militaire de carrière aujourd’hui responsable de la Maison d’accueil et de retraite des animaux de la ferme, à Salle-en-Toulon. Amie des bêtes et femme de conviction.