2000 à la même adresse

Dans la Vienne, plus de deux mille personnes sont domiciliées par des organismes agréés. Demandeurs d’asile, bénéficiaires du RSA, citoyens victimes d’accident de la vie... Ces « sans logement fixe » aux situations précaires continuent malgré tout de profiter de leur droit fondamental de domiciliation.

Marc-Antoine Lainé

Le7.info

Les deux armoires sont quasiment pleines. Tout au long de l’après-midi, Denis et Eric viennent y déposer le courrier livré par La Poste en fin de matinée. Les deux agents d’accueil de la Croix-Rouge doivent gérer 797 dossiers différents. A chaque chemise cartonnée, son bénéficiaire. Harold, Karine, Mohamed, Catherine, Bienvenu... Tous partagent la même adresse : 9, rue Lavoisier, ZAE Beaulieu, 86000 Poitiers. « La domiciliation est un droit fondamental, souligne Marylène Hay, bénévole à la Croix-Rouge. Nous donnons aux personnes qui en font la demande une attestation leur permettant de continuer à profiter de leurs autres droits, civils et civiques. » Qu’ils soient bénéficiaires du RSA, victimes d’accident de la vie, demandeurs d’asile, jeunes, moins jeunes, les domiciliés « sont dans une situation trop instable, qui ne leur permet pas de vivre au sein de leur propre logement ». « Grâce à ce service, ils disposent d’une adresse fixe pour une durée d’un an renouvelable, précise Denis Simon, l’agent d’accueil. Nous réceptionnons et trions le courrier qu’ils reçoivent et les orientons également vers les organismes sociaux à même de les aider. »

Chaque jour, les domiciliés se succèdent au guichet d’accueil de la Croix-Rouge. « Bonjour, comment allez-vous aujourd’hui ? Avez-vous reçu une enveloppe de la Caf pour moi ? », lance une mère de famille. « Pas de courrier ? D’accord, mais pourriez-vous me dépanner ponctuellement, je n’ai plus rien à manger... », explique timidement un jeune à la rue. Ce ballet incessant de personnes précaires traduit une misère sociale galopante. Dans la Vienne, plus de deux mille dossiers de domiciliation sont actuellement gérés par les organismes agréés par la préfecture : la Croix-Rouge, donc, mais aussi le Secours Catholique, l’Association départementale pour l’accueil et la promotion des gens du voyage (ADAPGV), Coallia et l’ensemble des Centres communaux d’action sociale (CCAS) du département.

« Leur port d'attache »

Au CCAS de Poitiers, justement, Eric Dugas accueille régulièrement de nouveaux domiciliés. « La période moyenne de domiciliation est comprise entre six et sept mois, note l’assistant social. Il y a toutefois de grandes disparités d’un cas à l’autre. Certaines personnes ont besoin d’une adresse pour quelques semaines quand d’autres restent chez nous plusieurs années. » Par « rester chez nous », Eric Dugas n’entend cependant pas « hébergés chez nous ». « Le CCAS est leur port d’attache en quelque sorte, mais ils doivent trouver une solution de logement par eux-mêmes. Bien entendu, cette domiciliation s’accompagne toujours d’un suivi personnalisé. Nous ne nous contentons pas de gérer leur courrier. » Pour illustrer la diversité des profils domiciliés, l’adjointe au maire de Poitiers en charge de l’Action sociale s’appuie sur des chiffres précis. « Ici, 43% des domiciliés sont bénéficiaires du RSA, 19% sans ressources, 19% salariés, 13% âgés de moins de 25 ans et 71% ont perdu leur logement suite à une expulsion ou une séparation », détaille Régine Faget-Laprie.

Les différents organismes interrogés s’accordent à dire que le nombre de personnes domiciliées dans la Vienne croît, au fil des ans, de 10 à 15%. Une augmentation s’expliquant notamment par l’entrée en vigueur de la loi Alur, qui a permis, dès 2016, de simplifier le dispositif, mais aussi par la hausse globale de la précarité dans le département, comme ailleurs en France.

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