Cultivé et stratège

Pierre Fayard. 66 ans. Professeur émérite à l’Institut d’administration des entreprises de Poitiers. Enseigne toujours la stratégie au Brésil. Auteur à succès des préceptes de Sun Tzu. Signe particulier : une inextinguible soif de connaisssances.

Arnault Varanne

Le7.info

C’était un soir d’hiver de l’année 1992, boulevard Saint-Germain. La librairie était sur le point de fermer. Pierre Fayard y a déniché « Les 13 articles », une traduction de « L’Art de la guerre » de Sun Tzu. « Je ne sais pas pourquoi, mais ce petit livre m’a tout de suite intéressé. En revenant à Poitiers, je l’ai soumis à mes étudiants. A l’époque, j’enseignais la communication à l’Icomtec... » Un quart de siècle plus tard, le professeur émérite de l’IAE de Poitiers vient de sortir son quatrième livre « Comprendre et appliquer Sun Tzu en 36 stratagèmes ». Selon son éditeur, Dunod, ses trois premiers ouvrages se sont écoulés à plus de 40 000 exemplaires et ont été traduits en quatre langues (*).

Pour ce globe-trotter patenté et polyglotte échevelé -il parle anglais, espagnol, portugais et un peu japonais-, la stratégie se résume à une question fondamentale : « Comment fait-on pour obtenir ce qu’on veut ? ». Sur les cinq continents, les réponses divergent, mais de grands principes régissent les relations professionnelles et personnelles entre les hommes. Son ouverture d’esprit mâtinée d’une insatiable curiosité, Pierre Fayard la doit à « (m)on père ». « C’était un humaniste, nourri des grands idéaux de la culture et qui m’a donné le goût de l’Asie. » Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, il se serait d’ailleurs volontiers installé en Indochine. Mais faute de moyens, la famille Fayard a migré vers le Sénégal pour y cultiver des terres.

De son enfance sur le continent africain, le sexagénaire retient « l’explosion de couleurs » et le « mélange des cultures », forcément fondateur dans son parcours. A telle enseigne que le retour en France fut « un choc » climatique et culturel. « Clairement, je n’étais pas d’ici... » Ses diplômes en poche et les aléas de la vie faisant, le goût de l’ailleurs l’a vite rattrapé. Il a foulé le Japon une douzaine de fois. Etonnamment, l’enseignant n’y a jamais travaillé dans la durée. « Après un drame familial, j’ai pensé m’expatrier et je visais la Chine ou le Japon », embraie ce père de quatre enfants. Finalement, c’est à Sao Paulo qu’il atterrit. L’attend là-bas le poste de directeur du Centre franco-brésilien de documentation scientifique et technique.

« Plus on est riche, plus on est triste »

Dans cet Etat-continent d’une « vitalité incroyable », le prof poitevin a déjà ses repères. D’abord parce qu’il y enseigne à intervalles réguliers. Ensuite parce que sa compagne est une Japonaise du Brésil. Après quatre ans en Amérique latine, il pense pouvoir enfin obtenir une mission au pays du Soleil levant. Mais une « meilleure offre » lui parvient en provenance de l’ambassade du Pérou. Le voilà parti pour quatre ans à Lima, comme conseiller de coopération et d’action culturelle. De retour dans la Vienne, avec une foule d’images en tête, Pierre Fayard ose la comparaison. « La France est un pays extraordinaire, avec ses fleuves,?ses paysages, sa?culture... » Autrement dit, arrêtons? de nous flageller à longueur d’années sur ce que nous n’avons pas et sachons apprécier notre situation. « Plus on est riche, plus on est triste ! Je me l’explique assez mal », glisse cet ancien journaliste scientifique. Nicolas Moinet, l’un de ses anciens étudiants et collègue à l’IAE, dit ceci de lui : « Pierre est un globe-trotter qui ne connaît pas les frontières géographiques ni académiques. Il a une intelligence des situations au-dessus de la moyenne. »

« Un peu solitaire sur les bords », Pierre Fayard se réfugie dans la culture et l’écriture -de romans et chansons- comme d’autres dans le sport ou la musique. De la littérature japonaise à l’Afrique subsaharienne, il explore des champs très divers et fait de la « composition avec l’autre », la réussite de tout projet collectif. L’aïkido, qu’il a pratiqué pendant vingt-cinq ans, lui a inculqué l’harmonie et la sincérité, l’art aussi de « supprimer des choses ». « Epurer », « simplifier », « accueillir », c’est presque la doctrine d’une existence réussie. Il ajoute volontiers deux éléments, à ses yeux, fondamentaux : « accepter les bifurcations de la vie et suivre son intuition. » Des paroles empreintes d’une sagesse tout asiatique.

(*) « Le réveil du samouraï » (coup de cœur Fnac en 2004), « Sun Tzu, stratégie et séduction », La force du paradoxe, en faire une stratégie », « Comprendre et appliquer Sun Tzu ».

 

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