Fleur Pellerin : « French Tech, une bannière commune »

L’ancienne ministre Fleur Pellerin est, ce jeudi, l’invitée exceptionnelle des Rencontres nationales du numérique, à Poitiers.

Arnault Varanne

Le7.info

Vous avez lancé le label French Tech en France, dès 2013. Auj- ourd’hui, est-ce selon vous un catalyseur de l’innovation ?
« Comme ministre du Numérique, j’ai fait le constat que la France comptait de très belles entreprises technologiques, mais que ces dernières souffraient d’un manque de reconnaissance. Il fallait leur permettre de se rassembler sous une bannière commune, créer un sentiment d’appartenance, de fierté et de cohésion. Tel était l’objectif du label French Tech. Cela a si bien fonctionné que l’écosystème s’est réapproprié la démarche et même son logo. Certaines grandes villes françaises ont décliné le Coq en origami en fonction du symbole de leur cité. »

Vos successeurs, Axelle Lemaire et Mounir Mahjoubi, ont-ils entretenu la flamme ?
« Tout à fait. Les ministres du Numérique qui m’ont succédé ont porté le logo de la French Tech au revers de leurs vestes. Je connais bien Mounir Mahjoubi, qui a beaucoup de talent. Je partage ses craintes concernant la cyber sécurité. La France doit renforcer son arsenal en la matière. L’exemple des attaques informatiques qui ont affecté la Présidentielle américaine doit servir à toutes les grandes démocraties. La digitalisation de nos sociétés pose des questions majeures de souveraineté pour les Etats. »

« La France a dépassé l’Allemagne en volume d’investissements »

Beaucoup de projets émergent, mais le financement des startups reste le maillon faible de l’écosystème français. Comment y remédier ?
« Je ne suis pas de cet avis. Les startups françaises devraient lever, en 2017, plus de 3,5Mdc. La France a dépassé l’Allemagne en volume d’investissements. Elle est désormais le deuxième pays le plus attractif d’Europe derrière l’Angleterre pour les investisseurs désireux de financer les startups. Le fonds K-Fund 1, que j’ai lancé en septembre 2016, en est l’incarnation. Il est abondé de 200M€ levés auprès du géant de l’internet coréen Naver. 50% sera dédié au financement des startups françaises. »

Combien d’entreprises et à quelle hauteur K-Fund 1, le fonds d’investissement conseillé par Korelya Capital dont vous êtes à la tête, a-t-il déjà soutenu ?
« Depuis janvier 2016, nous avons déjà investi dans cinq entreprises françaises : la pépite française du son Devialet, la plateforme de recrutement de talents Job Teaser, le service de marketing innovant AB Tasty, la startup d’intelligence artificielle Snips et enfin ChefClub, qui propose des vidéos de recettes de cuisine ultra addictives à sa gigantesque communauté de fans. Notre ticket moyen d’investissement va de 5 à 7M€. Mais avec la deuxième levée de fonds que j’ai réussie en septembre et qui porte nos capacités d’intervention à 200M€, nous pourrions aller jusqu’à investir 15 à 20M€ sur une entreprise en croissance. »

« Le crowdfunding est complémentaire »

Le crowdfunding comme levier d’amorçage est-il pertinent ?
« Du temps où j’étais ministre déléguée en charge des PME, de l’Innovation et de l’Economie numérique, j’ai assoupli le cadre réglementaire du financement participatif afin de permettre à cette solution alternative de connaître le même succès qu’aux Etats-Unis ou au Canada. Je ne sais pas si le crowdfun- ding est l’avenir du système bancaire classique, mais il est complémentaire de la banque traditionnelle. Je constate que plusieurs de ses startups se sont rapprochées de grandes banques françaises. KissKiss- BankBank avec le groupe La Poste et Ulule avec BNP Paris. Pour moi, l’objectif de perturber le monopole bancaire français pour permettre à des projets qui n’auraient pas pu se financer de trouver aujourd’hui des fonds est donc atteint. »

Quel est, selon vous, parmi les startups en vue, le modèle de réussite ? Deezer ? BlaBlacar ?...
« Il n’y a pas un modèle car chaque secteur est très différent. Une startup des fintech ne fait pas face aux mêmes enjeux qu’une startup de la foodtech ! Pour moi, la clé du succès, désormais, est la capacité de projection internationale. Les vrais champions de demain se- ront internationaux ou ne seront pas ! » 

Photo Xavier Lahache

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