La peine des uns fait l’affaire des autres

Depuis son ouverture en 2010, le centre pénitentiaire de Vivonne a largement contribué au développement économique de la commune... mais pas que. Entre et hors les murs, la prison génère des retombées économiques importantes, bien que difficiles à chiffrer.

Arnault Varanne

Le7.info

A chaque « bloc », sa chaîne de production, quasi industrialisée. Certains assemblent des compteurs électriques, d’autres des poubelles d’avions de ligne, d’autres encore des cartons d’emballage pour une célèbre marque de champagne. Ce lundi matin, dans l’atelier du centre pénitentiaire de Vivonne, ils sont plusieurs dizaines à travailler sous étroite surveillance. « Je crois beaucoup au travail des détenus. L’atelier est un lieu très structurant pour eux. » Face au député Sacha Houlié, en visite parlementaire, la directrice de la prison Karine Lagier parle sans langue de bois. « Pour les entreprises, c’est une main-d’œuvre pas chère, rémunérée 1,23€ de l’heure, sans contrat de travail. Pour les détenus, c’est une opportunité de se rendre utile, de gagner un peu d’argent et, surtout, de quitter la cellule pendant quelques heures. »

Certains diront que la peine des uns fait l’affaire des autres. C’est un fait, la prison génère de nombreuses retombées économiques, à commencer par cette mise à disposition de main-d’œuvre à bas coût. Au-delà, la rémunération des détenus et les dons que leur font leurs familles par mandat génèrent un véritable « business » au cœur du centre pénitentiaire. « Avec leur argent, les prisonniers peuvent s’acheter de la nourriture, du tabac, des cosmétiques, une télévision, une chaîne Hi-Fi..., reprend Karine Lagier. Aucune monnaie ne circule pour autant entre les murs. Les agents pénitentiaires gèrent les comptes des détenus. »

600 détenus = 600 habitants

Hors les murs, les premiers bénéficiaires de ce « business » sont les commerces alentours. Le buraliste de la Grand’Rue, à Vivonne, écoule ainsi « une centaine de cartouches de tabac tous les quinze jours ». « Le cahier des charges de la prison impose aux employés de s’approvisionner au plus près, explique Julien Descartes. Pour nous, c’est tout bénef’ ! » Dans le reste de la commune, rares sont les commerçants à se plaindre de la proximité avec la prison. « Les familles des détenus s’arrêtent souvent déjeuner ici, lâche un restaurateur du bourg. Depuis son ouverture en 2010, le centre pénitentiaire a pas mal dopé l’activité du coin. » Un propos confirmé par le maire de Vivonne, Maurice Ramblière, qui a vu sa population augmenter de plus de 25% en sept ans. « Les six cents détenus (*) sont comptabilisés comme des habitants de Vivonne. Une partie des 261 employés se sont en outre installés sur la commune avec leur famille. Je ne vais pas dire bravo, mais la prison participe à notre développement économique. »

Grâce à ce gain de population, Vivonne a « moins subi que d’autres communes les baisses de dotations de l’Etat ». En conséquence, la taxe foncière augmente moins vite qu’ailleurs, comme en atteste l’observatoire de l’Union nationale des propriétaires immobiliers sur la période 2011-2016 : +16,93% à Vivonne, +19,28% en moyenne dans le reste du département. Si les retombées économiques globales « sont difficilement chiffrables », dixit Maurice Ramblière, il n’en demeure pas moins que l’installation de « cette entreprise comme une autre » profite à tous. « Les « matons » s’engagent dans des associations, achètent des terrains, consomment dans les commerces vivonnois et ceux des communes alentours, inscrivent leurs enfants à l’école. Quant aux visites régulières des familles de détenus, elles ont permis d’augmenter la desserte des cars et du TER. » Pour la petite histoire, lorsque son homologue charentais de La Couronne est venu lui demander son avis sur l’implantation d’une prison, Maurice Ramblière a répondu du tac au tac : « N’hésite pas, fonce ! »

 

(*) 435 femmes et hommes sont actuellement détenus à Vivonne. La réouverture du centre de détention en janvier prochain (cf. colonne) permettra d’accueillir plus de six cents personnes au total.

 

Après la mutinerie, la réouverture
Fermé au lendemain de la mutinerie du 12 septembre 2016, le centre de détention « hommes » de la prison de Vivonne devrait être rouvert en janvier prochain. Il aura fallu près d’un an et demi de travaux pour reconstruire à neuf et à l’identique le bâtiment. Le montant des travaux n’a pas été dévoilé par la direction de l’établissement, qui a toutefois confié que celui-ci serait pris en charge par l’Etat, en attendant que l’instruction des responsables de la mutinerie aboutisse.

Merah bientôt de retour
Condamné à vingt ans de prison pour association de malfaiteurs terroriste, à l’issue d’un procès hyper-médiatisé, Abdelkader Merah va purger sa peine au centre pénitentiaire Vivonne, où il est incarcéré depuis 2015. Le frère ainé de Mohamed Merah, auteur de sept meurtres à Toulouse et Montauban en mars 2012, sera placé à l’isolement. Par soucis de sécurité, la direction de la prison n’a pas précisé s’il reviendrait dans les prochains jours ou les prochaines semaines.

Les femmes en sureffectif
Dans les quartiers de la prison de Vivonne réservés aux femmes, le taux d’occupation s’élève à 176%. Lors de sa visite parlementaire, le député Sacha Houlié a constaté les conditions de détention déplorables de certaines détenues, qui vivent parfois à trois dans une cellule de deux personnes. La directrice du site, Karine Lagier, a pour sa part souligné le faible taux d’occupation du quartier de semi-liberté de la Pierre-Levée (32%), à Poitiers. « Certaines courtes peines pourraient être exécutées là-bas. »

 

 

 

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