Demandeurs d’asile, chômeurs, parents isolés et même désormais travailleurs pauvres... En France, 14% de la population vit sous le seuil de pauvreté. La Vienne n’échappe pas à la précarité, qui se manifeste ici de multiples façons.
Une file d’attente de plusieurs mètres s’est formée devant le centre socioculturel des Trois-Cités, à Poitiers. Cabas à la main, Annick, 60 ans, attend patiemment son tour. Pour la première fois de sa vie, elle sollicite l’aide alimentaire du Secours populaire. « Je me sens en échec, soupire-t-elle. J’ai beaucoup de peine d’en arriver là. »
Comme elle, plus de mille personnes démunies -soit trois cents foyers- bénéficient à l’heure actuelle du soutien de l’association dans la Vienne. Lancée il y a quelques jours seulement, la compagne du Secours populaire bat son plein. Selon le directeur de la structure, Nicolas Xuereb, la demande aurait bondi de 38% entre 2016 et 2017, « particulièrement chez les seniors et les jeunes étudiants ».
Et la tendance ne risque pas de s’inverser cette année. Addictions, divorce, maladie, chômage… De nombreuses raisons peuvent conduire soudainement un homme ou une femme à demander de l’aide. « A la précarité économique, s’ajoute l’isolement social », note Dominique Denimal. Ce travailleur social poitevin a particulièrement étudié le fonctionnement des Restos du Coeur et de la Fondation Claude-Pompidou, pour les besoins d’un ouvrage qu’il vient de publier sur l’engagement bénévole. Or, selon lui, « les réseaux classiques de solidarité comme la famille, le voisinage ou les amis tendent à disparaître ».
Davantage de travailleurs pauvres
Dans certains cas les plus extrêmes, les individus en détresse ne savent même plus où dormir. Le Samu social de Poitiers reçoit au quotidien plus de cent demandes d’hébergement pour une soixantaine de places disponibles(*). La plupart proviennent d’hommes seuls, souvent des demandeurs d’asile fraichement débarqués en ville. Parfois des familles entières tentent leur chance. « Nous sommes en lien constant avec les services de l’Etat pour faire remonter nos observations, assure Anaïs Guimard, coordinatrice du service. Nous faisons aux mieux avec nos moyens, en essayant de répondre équitablement à tout le monde. »
Combien dorment finalement dehors ? Difficile à dire. A l’accueil de jour du Secours catholique, près de quatre-vingts personnes passent quotidiennement pour trouver un peu de chaleur. Un phénomène nouveau est décrit par le délégué local Régis Gruchy. Il s’agit des travailleurs pauvres. « Ils ont un salaire qui ne leur suffit pas pour vivre », explique l’intéressé, avant d’évoquer l’exemple édifiant d’« un jeune qui fréquentait aussi l’accueil de jour avant d’aller régulièrement dormir dans sa voiture ».
Des droits non réclamés
Ce témoignage rappelle évidemment celui de ce Géorgien de 50 ans, SDF, retrouvé mort dans son véhicule au bord du Clain, le 3 novembre dernier. Le comble de l’histoire, c’est qu’une partie des gens dans le besoin ne perçoivent pas les aides auxquelles ils ont pourtant droit. « Au plan national, 40% des bénéficiaires potentiels du Revenu de solidarité active ne le demandent pas, reprend Régis Gruchy. C’est 31% pour les allocations familiales. On constate une méconnaissance des dispositifs, une difficulté à aller voir l’administration et même une honte. »
Face à ce constat, Croix rouge, Emmaüs, Secours populaire et les autres associations caritatives proposent toutes d’accompagner les plus démunis dans la défense de leurs droits. L’enjeu réside aussi dans leur capacité à renouveler leurs effectifs de bénévoles.
(*)Au total, 81 places d’hébergement d’urgence sont ouvertes toute l’année dans la Vienne, seize autres pendant la période hivernale et trente-sept autres en cas d’activation du plan grand froid, uniquement à Poitiers.