Devenu rare dans les rayons de supermarché, le beurre cause de sérieux problèmes aux boulangers et autres transformateurs alimentaires, qui voient les prix de la tonne s’envoler. Cette semaine, la rédaction décrypte les mécanismes de ce « cercle vicieux ».
6 531€. Au dernier pointage, datant du 24 octobre, la tonne de beurre valait exactement 3 156€ de plus qu’un an plus tôt. Soit près du double. La cotation hebdomadaire du site web-agri.fr est devenue la hantise des boulangers et transformateurs alimentaires, dont l’activité est conditionnée par le coût et la disponibilité du beurre. L’emballement médiatique des dernières semaines autour de la « pénurie » a eu pour conséquence directe de vider les rayons de supermarchés, les Français préférant provisionner plutôt que manquer. Seulement voilà, comme sur les marchés boursiers, la demande, sans offre suffisante, crée l’inflation. « Les stocks sont quasi épuisés et les fournisseurs surchargés de commandes, note Frédéric Augereau, à la tête de la biscuiterie éponyme, à Saint-Benoît. Les prix se sont envolés et atteignent aujourd’hui des sommets. Pour notre entreprise, comme pour les autres, la situation est préoccupante. »
Chaque jour, Frédéric Augereau fabrique deux tonnes de broyés du Poitou, il a donc besoin de beurre en grande quantité. « Tous les ans, nous commandons près de cent tonnes. » Avec une hausse de plus de 3 000€ sur les douze derniers mois, l’addition atteint 300 000€ ! Chez Goulibeur, le constat est identique. « Vous voyez la partie émergée de l’iceberg, souligne Brigitte Arnaud-Boué, patronne de la TPE poitevine. Nous vivons une annus horribilis. Nous n’avons pas vraiment de problèmes d’approvisionnement, tant que nous payons le prix imposé. Les hausses constantes nuisent à notre capacité d’investissement et mettent en pérl l’activité. »
Une crise peut en cacher une autre
Du côté des boulangers, on craint particulièrement l’arrivée des fêtes de fin d’année. « Avec les commandes de galettes des rois, nos besoins en beurre vont quasiment doubler, explique Emmanuel Gripon, président régional des boulangers de Nouvelle-Aquitaine. Nous peinons d’ores et déjà à acheter en quantité suffisante pour nos viennoiseries. Certains boulangers, inquiets, sont même allés se fournir dans les rayons de supermarchés, où les prix étaient parfois plus attractifs qu’en gros. »
Pour mieux comprendre la « pénurie » et la flambée des prix, il faut remonter à la source. La production laitière française a considérablement baissé, à cause des difficultés financières rencontrées par les agriculteurs mais aussi parce que les conditions climatiques récentes n’ont pas favorisé la bonne alimentation des vaches. La teneur en matière grasse diminue fortement. Résultat, la crème manque, mais les stocks de poudre de lait ne cessent d’augmenter. « La situation s’améliorera à mesure que la France comptera plus de vaches laitières. Il faudra attendre au moins le milieu de l’année prochaine pour voir les prix diminuer. » Espérons que les professionnels tiendront le coup d’ici là. Car au-delà de la crise du beurre, certains d’entre eux doivent également s’adapter à la flambée du prix des œufs (+250% en trois mois), conséquence directe du scandale du fipronil. « Sans œuf, sans beurre, difficile de trouver de nouvelles recettes pour se diversifier », conclut Frédéric Augereau.
La FNSEA interpelle les consommateurs
Vendredi dernier, les agriculteurs de la FNSEA 86 se sont rendus dans le centre commercial Intermarché de la Demi-Lune pour interpeller les consommateurs. Ils soutiennent « qu’il n’y a pas de pénurie de beurre » et que « si le rayon est vide, c’est parce que le magasin ne veut pas payer le beurre à son juste prix ». La FNSEA précise également que « la production laitière a diminué, faute de prix rémunérateurs pour le producteur ».