Sur son banc d’essai unique en Europe, l’Institut de recherche Pprime a reproduit, à Poitiers, le pas de tir du futur lanceur Ariane 6. Ses préconisations ont été reprises à Kourou. Les travaux viennent de débuter.
Ariane 6 tient son premier client. L’annonce est officielle depuis une dizaine de jours. En 2020, le nouveau lanceur européen enverra quatre satellites destinés à la mise en place du système innovant de GPS Galileo. Mais d’ici là, de grandes manoeuvres sont programmées sur le site de Kourou, en Guyane. Les travaux de modernisation du pas de tir viennent de débuter. Il doit être entièrement revu pour résister aux propulseurs ultra-puissants de dernière génération.
Et si on vous disait que Poitiers abrite la base arrière de cette opération, vous le croiriez ? C’est pourtant vrai ! Depuis plus de vingt ans, le Centre national d’études spatiales (Cnes) et le laboratoire poitevin, devenu l’Institut Pprime en 2010, entretiennent d’étroites relations. A l’époque, les deux partenaires travaillaient sur le déploiement d’Ariane 5, la grande soeur. De cette collaboration est né « Martel », un banc d’essai unique en Europe spécialisé dans les études aéroacoustiques.
Mauvaises ondes
Installé dans un bunker semienterré tout près de l’aéroport de Biard, cet équipement est capable de reproduire le « bruit » d’une fusée au décollage. Soit environ 160 décibels (dB). Pour les curieux, sachez que les tympans cèdent en général à partir de 120dB… Dans la perspective de la future Ariane 6, le laboratoire de Patrick Berterretche a donc assimilé les nouvelles données du constructeur pour adapter l’aire de lancement. « Une onde intense est dégagée au décollage, puis une autre apparaît dans les cinquante premiers mètres comme un bruit continu, explique le chercheur. Ces deux phénomènes provoquent des vibrations dans l’ensemble de la fusée qui peuvent détériorer les satellites à livrer en orbite si elles ne sont pas maîtrisées. Tout notre rôle consiste à écarter ces ondes le plus possible du fuselage. »
Le banc « Martel » permet de dimensionner les longs « couloirs », situés de part et d’autre du lanceur, empruntés par ces ondes à une vitesse proche de Mach 3, et par les gaz d’échappement chauffés à 3 000°C. Des caméras, micros, lasers et capteurs ultrasensibles restent braqués sur une reproduction du pas de tir au 1/40e. Grâce à ce dispositif, les chercheurs poitevins élaborent aussi des préconisations sur l’emplacement et le débit des jets d’eau utilisés pour réduire la puissance de ces ondes. Charge ensuite au Cnes et à Ariane Groupe de se saisir des résultats en fonction de leurs contraintes économiques. Mais en général, ils savent mettre les moyens pour la réussite de leur projet.