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Aujourd'hui
Qu’il lui semble loin le temps où il vivait au Soudan, la peur au ventre et la mort aux trousses dans une « petite ville au nord du Darfour ». Qu’elle lui semble lointaine la séquence libyenne, avec sa cohorte de dangers, a fortiori « pour les noirs comme moi ». Muhamed Yunous n’a que 25 ans, mais son parcours chaotique lui en donne dix voire vingt de plus. Il vous raconte les conflits entre ethnies, la mort de ses parents, son exode inexorable ou encore la mort de sa tante avec une voix monocorde et des yeux détachés.
Après son arrivée dans l’Hexagone, « en février 2014 », à l’issue d’un transit par le Tchad et l’Italie, Muhamed a cherché à obtenir le statut de réfugié. Qui lui a été accordé en mars 2015. Le précieux sésame lui a permis de se projeter un peu plus loin que dans un abri de fortune Porte de la chapelle, à Paris. « Je voulais aller à Calais, comme plein d’autres gens. Mais c’était impossible. Avec des amis, nous sommes partis de Paris et la Croix-Rouge nous a accueillis ici. » Logé au Foyer des Herbeaux(*) pendant « un peu plus d’un an », le jeune homme réside désormais au Foyer de jeunes travailleurs géré par Le Local, L’Amarr’HAJ. Et du haut de son mètre soixante, le néo-Poitevin veut désormais regarder devant. Résolument.
« Ça oui, ça me plairait ! »
« Pour l’instant, je fais des petites missions d’intérim, essentiellement du ménage. Mais j’aimerais être préparateur de commandes. Ça, oui, ça me plairait ! » A l’automne 2016, il s’est prêté au jeu du CV vidéo, initiative du Club Fondation agir contre l’exclusion (Face) de Poitiers-Châtellerault. Face caméra, Muhamed s’est livré pendant quarante-cinq secondes pour séduire les recruteurs. Résultat ?
« Une bonne expérience ! », couplée à quelques contacts qui lui ont « servi ».
Après un stage de magasinier dans une enseigne alimentaire, des jobs de déménageur, de plongeur ou d’agent d’entretien, le voilà en intérim pour encore quelques jours. Histoire de mettre tous les atouts de son côté, le Soudanais a aussi décidé de passer son permis de conduire. « Pour l’instant, j’en suis au code et ce n’est pas facile de comprendre toutes les questions en français ! » Quand il a un peu de temps libre, il va à Nantes ou à Paris retrouver des amis. Des exilés comme lui qui n’aspirent qu’à une chose : se construire. « Ici, tu sais que quand tu sors, tu rentreras chez toi. Ça change du Soudan ou de la Libye. »
(*) Géré par l’association Audacia.
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