Le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb a promis le retour de la police?de proximité d’ici la fin de l’année, sans dévoiler les contours de la mise en œuvre. À Poitiers comme ailleurs, policiers et résidents des quartiers sensibles s’interrogent sur la pertinence et la faisabilité du projet.
A peine abordé sur la terrasse d’un café des Couronneries, le sujet suscite des réactions. « Une police de proximité ? A quoi bon, les rapports avec les forces de l’ordre sont médiocres », lâche un habitant du quartier. « Ici, les délinquants se moquent royalement de la police, ce n’est pas en rajoutant des patrouilles à vélo et du prétendu lien social que les choses vont changer », rétorque un autre. Le débat s’emballe. Personne ici ne semble aller dans le sens du ministre de l’Intérieur Gérard Collomb qui a annoncé, début août, un retour de la police de proximité d’ici la fin de l’année. Ou, selon ses termes, de la « police de sécurité du quotidien ».
Mise en place par Lionel Jospin en 1998, la police de proximité a été déployée dans les grandes villes et zones de tension françaises. Tantôt saluée pour son efficacité, tantôt critiquée pour sa supposée proximité avec les délinquants, elle a été supprimée cinq ans plus tard par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur. Depuis, le projet de la faire renaître est revenu régulièrement dans les débats politiques, sans pour autant se concrétiser. « Personne n’a jamais proposé quelque chose d’abouti, souligne Alain Pissard, secrétaire département du syndicat Unité-SGP-Police FO. Sarkozy a supprimé le lien police-population. Aujourd’hui, on ne peut pas imaginer laisser deux policiers seuls flâner dans une zone de tension. Nous avons laissé le terrain, il sera difficile de le reconquérir. »
Au bureau de police des Couronneries, on s’interroge sur la faisabilité du projet. « Nous sommes de plus en plus mobilisés par des tâches administratives et du suivi judiciaire », regrette le major Thierry Maingault. En manque d’effectifs, la police voit mal comment Gérard Collomb entend mettre en œuvre son projet. « Nous n’avons ni les tenants ni les aboutissants. Nous savons seulement qu’une expérimentation doit être menée d’ici la fin de l’année. Attendons. »
Poitiers, un cas particulier
Pour l’heure, difficile d’émettre des suppositions sur le cahier des charges dressé par le ministère de l’Intérieur. Une chose est sûre, à moins d’un déploiement massif sur l’ensemble du territoire, Poitiers n’aura pas la priorité. Et pour cause. « La ville se démarque de ses homologues de même taille par une délinquance relativement faible, bien qu’existante, note Jean-Claude Bonnefon, conseiller municipal et adjoint à la Vie publique au moment de l’instauration de la police de proximité par le gouvernement Jospin. Historiquement, les liens de collaboration sont très forts entre la collectivité, les forces de l’ordre, la justice, les maisons de quartier et les différentes structures de médiation. »
Poitiers a également la particularité de disposer de quatre bureaux de police, dont trois dans les quartiers. Bien qu’ils n’en portent pas le nom, certains policiers poitevins assurent des missions similaires à celles de la police de proximité. Alain Pissard en est convaincu, « les grands centres urbains seront concernés en priorité ». Bien qu’il reconnaissance que « la délinquance augmente de manière lente mais constante à Poitiers », le policier voit mal la « polprox » faire son retour sur les rives du Clain. Réponse dans un an. Au moins.