La guerre des nuitées

Le succès d’Airbnb ne fait pas que des heureux. Les acteurs de l’hébergement touristique « traditionnel » ont décidé de passer à l’offensive, en multipliant les offres promotionnelles pour attirer la clientèle ou en s’appuyant sur de nouveaux textes de loi.

Florie Doublet

Le7.info

L’année dernière, plus d’un touriste sur dix a réservé une chambre, un appartement ou une maison auprès de particuliers via une plateforme communautaire. Rien qu’à Poitiers, on dénombre plus de quatre cent cinquante annonces sur Airbnb.

Face à cette concurrence, les hébergeurs « traditionnels » organisent la riposte. Ils se sont lancés dans une opération séduction de grande ampleur. Depuis le mois de juin, l’association « Gîtes de France de la Vienne » offre ainsi aux habitants du département une réduction de 50% sur les séjours de deux nuits minimum (hors juillet-août et jusqu’au 15 décembre).

Baptisée « Evadez-vous local », cette promotion vise à « dépoussiérer l’image des Gîtes de France ». « Nous avons des atouts à faire valoir, martèle le président de l’organisme, Michel Dubreuil. Nous tordons le cou aux idées reçues sur la complexité de la réservation ou les tarifs élevés. Et puis, Gîtes de France est également un label de qualité. Nous bénéficions d’une solide expérience et nous respectons toute la réglementation. »

Une Concurrence déloyale ?

Réglementation. Le mot est lâché. Les professionnels de l’hébergement touristique sortent les crocs face « aux loueurs de meublés de courte durée qui échappent à toutes les règles en matière de fiscalité et de sécurité ». Les représentants de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih) dénoncent « une concurrence totalement déloyale ». « En Dordogne, vingt-cinq hôtels ont fermé en 2016. Des salariés ont perdu leur emploi », lâche Laurent Lutse, président de l’Umih Vienne.

Les hôteliers ne s’avouent pas vaincus. Depuis avril dernier, ils disposent d’une nouvelle arme. Un décret de la loi pour une République numérique oblige tous les loueurs- même les particuliers- à déclarer en mairie (sur place ou en ligne) le nombre de nuitées effectuées dans leur hébergement. Cette déclaration permet ensuite aux municipalités de recouvrir plus facilement la taxe de séjour. « Au total, en France, 30 millions de nuitées y échappent. » L’Umih a publié un guide pratique à destination des collectivités et leur a même mâché le travail, en éditant des modèles de délibérations prêtes à voter, pour mettre en place ces procédures d’enregistrement des locations (*).

L’offre d’Airbnb complémentaire 

Du côté d’Airbnb, on comprend mal cette offensive. « Les derniers chiffres sont tombés, le taux d’occupation des hôteliers est à son meilleur niveau depuis sept ans, assure Aurélien Perol, chargé des affaires publiques d’Airbnb. Sur notre plateforme, un particulier poitevin loue en moyenne trente-neuf nuits par an pour un revenu annuel de 1 700€. Nous sommes bien loin d’une activité professionnelle… »

Le chargé des affaires publiques plaide pour des rapports plus apaisés. « Cette opposition est stérile, notre offre est complémentaire, tout le monde peut y gagner. » Philippe Mangin partage cette analyse. Le propriétaire de la « Chambre des Moulins », établissement écolabellisé, à Poitiers, affirme que « la diversité est une force pour un territoire touristique ». « Plus le choix d’hébergements est large, plus une ville est attractive. A nous d’innover pour attirer la clientèle. » Pas dit que tout le monde soit sur la même longueur d’onde…

(*) Grand Poitiers a voté, vendredi dernier, l’extension de cette taxe de séjour à tous les hébergements des quarante communes de la communauté urbaine

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