Chaque année, près de 1 500 familles de gens du voyage s’installent dans la Vienne. Si certaines posent leurs caravanes sur les aires qui leur sont réservées, d’autres défient les collectivités en investissant des terrains privés.
L’épisode caniculaire a laissé des traces. Sur l’aire d’accueil des gens du voyage de Jaunay-Marigny, les visages sont marqués par les coups de soleil, les esprits quelque peu échaudés. « Regardez dans quelles conditions nous vivons, lance un père de famille. On est coincés entre l’autoroute et la ligne de chemin de fer, sur une parcelle goudronnée, en plein cagnard. Il ne faut pas s’étonner qu’on aille mettre nos caravanes ailleurs. » Il règne dans le campement un climat de défiance vis-à-vis des « gadjos ». « Il faut nous comprendre, reprend la « Mama ». Nous ne recevons que très rarement de la visite. Quand les gens viennent, ils portent un costume ou un uniforme de gendarme. Et ce n’est jamais pour apporter une bonne nouvelle. »
Pour affronter au mieux les conditions climatiques estivales, les voyageurs s’installent « là où il y a de l’ombre ». Et jettent bien souvent leur dévolu sur des terrains privés, qu’ils investissent sans autorisation. Garde-champêtre officieux de la Technopole du Futuroscope, Philippe Guillard est en première ligne lorsqu’il s’agit de les déloger. « Depuis le début de l’année, nous en sommes déjà à sept procédures d’expulsion sur la zone, explique le responsable du pôle Technopoles-Gestion et aménagement urbain du Département de la Vienne. Il y a une recrudescence des installations illicites. Pour nous, c’est une importante débauche de temps, d’énergie »... et d’argent ! Pour s’alimenter en eau et en électricité, les gens du voyage se raccordent aux réseaux municipaux, engendrant certaines dégradations sur les bornes à incendie et les coffrets électriques. L’impact financier est d’autant plus important que les collectivités ne perçoivent aucune indemnité. Sur les aires, l’eau et l’électricité sont facturées et les résidents doivent s’acquitter d’un droit de place (0 à 2€ par jour).
« Pas des zones de non-droit »
Pour Philippe Brottier, « cette situation n’est plus acceptable, d’autant que le département est en règle avec la loi et que les municipalités mettent tout en œuvre pour accueillir les enfants dans les écoles ». La Vienne compte en effet dix-neuf aires permanentes, deux autres de grands passages et trois terrains familiaux, suffisants à accueillir les différentes familles de gens du voyage. Le maire de Fontaine le Comte estime qu’il « faut trouver une solution définitive qui soit consensuelle pour que les terrains investis ne deviennent pas des zones de non-droit ». Son homologue de Chasseneuil-du-Poitou, dont la commune est particulièrement concernée par les installations illicites, reçoit « des dizaines de courriers, de mails et d’appels de plainte de la part des habitants et des entreprises ». « Comme les terrains sont privés, je ne fais que relayer à la préfète, qui est la seule à pouvoir signer un arrêté d’expulsion », argue Claude Eidelstein. Les délais de procédure étant incompressibles, l’expulsion n’intervient généralement que deux semaines après l’arrivée des caravanes.
Si le mécontentement prédomine du côté des collectivités, Elodie Legendre-Noirault se bat, quant à elle, pour « faire de la pédagogie et accompagner les gens du voyage les plus démunis ». La directrice de l’Association départementale pour l’accueil et la promotion des gens du voyage (ADAPGV) estime qu’environ 1 500 familles s’installent chaque année dans la Vienne. « Ces personnes ont des traditions différentes des nôtres, qui effraient parfois les Poitevins. Nous nous battons pour qu’ils vivent dans des conditions dignes, que ne leur offrent pas toujours les aires à leur disposition. » Malgré son bras de fer permanent avec les gens du voyage, Philippe Guillard se montre compréhensif. « Ils ont choisi un mode de vie libre. S’installer où ils veulent en fait partie. Ce n’est pas une question d’argent. Ils en ont. » Les retombées économiques sont avérées. Pour preuve, un boucher de la Gibauderie a vu son chiffre d’affaires exploser pendant une semaine, lorsqu’une communauté s’est installée à proximité.