Depuis près de trois ans, le centre socioculturel des Trois-Cités développe le pouvoir d’agir des habitants du quartier. Une démarche très originale soutenue par la Fondation de France et qui fait école à Poitiers.
La démocratie participative, certains en parlent, d’autres la font vivrent. Aux Trois-Cités, quartier populaire de Poitiers, on ne fait « pas à la place » des habitants mais « avec eux », dixit Marie Bouchand, en charge du développement du pouvoir d’agir. L’association a gravé dans le marbre de son projet l’impérieuse nécessité de « soutenir les initiatives individuelles pour répondre à des problématiques de vie quotidienne et d’emploi ». « La question centrale, c’est « qu’est-ce qui est important pour les gens, quels sont leurs problèmes ? », abonde la professionnelle. Ils ont des choses à dire, une expérience et un vécu qui leur donnent une expertise. »
« Je me sentais mis à l'écart »
En deux ans, Marie Bouchand et son collègue ont interrogé cent quatre-vingt-quatorze personnes et identifié quelque quatre-vingt-dix sujets à creuser. Notamment celui relatif aux difficultés relationnelles avec la communauté éducative. Le simple fait de se confier, même au sein d’un groupe où d’autres rencontrent des difficultés similaires, ne suffit pas. Ainsi, les habitants sont allés plus loin et ont imaginé traduire leurs maux en mots, face caméra. Une vidéo recensant six témoignages -parents, enseignants...- a vu le jour. La parole se libère, quelques barrières tombent petit à petit sur le chemin d’une meilleure réussite des enfants, scolaire ou sociale. David Pierson, dont les trois enfants ont été placés en famille d’accueil, évoque un « soulagement ». « Parler du problème que j’ai rencontré avec l’éducatrice de l’Aide sociale à l’enfance m‘a fait du bien. Je me sentais mis à l’écart des décisions... »
L'emploi au cœur
Au-delà de la réussite éducative des enfants, un autre groupe a pris à bras le corps la question de l’emploi. « Les habitants mènent un travail intéressant autour du lien entre eux et les employeurs », précise Marie Bouchand. Ou comment faire profiter de ses réseaux à d’autres. Un troisième groupe planche sur les transports en commun et a formulé des propositions concrètes à Pôle Emploi. Un quatrième s’est saisi du problème de l’insonorisation dans les immeubles. D’autres ateliers verront le jour dans les mois à venir. L’engouement semble réel. La preuve, près de la moitié des personnes impliquées ne fréquentaient pas le centre socioculturel avant le développement du dispositif Pouvoir d’agir.
Une convention avec les maisons de quartier
Le 11 mars dernier, la Ville, la Caisse d’allocations familiales et les maisons de quartier de Poitiers ont signé des conventions pluriannuelles d’objectifs, dans lesquelles le pouvoir d’agir des habitants figure en bonne place. « La légitimité, les élus l’obtiennent à travers un vote tous les six ans, explique Alain Claeys, maire de Poitiers. Mais cette respiration démocratique n’est pas suffisante. Le pouvoir d’agir, c’est comment permettre à des citoyens de se faire une opinion sur un sujet donné, en se confrontant à des experts. La décision éclairée vient ensuite. » A titre d’exemple, la réhabilitation des Couronneries, notamment la question du choix entre un funiculaire ou un téléphérique, pourrait faire l’objet de ce qu’on appelle aussi des « conférences du consensus ou d’usage ». A suivre.