Des étudiants en licence d’économie ont demandé à plus de 1 200 Poitevins comment ils « consommaient » le centre-ville. Résultat, ils viennent essentiellement pour passer un moment de convivialité.
Cette enquête devrait faire réfléchir les élus et tous les acteurs qui font battre le cœur de Poitiers. Les étudiants de troisième année de la faculté d’économie ont interrogé plus de 1 200 personnes(*) au sujet de leurs « usages » du centre-ville. Pleins de bon sens, ils sont allés les son- der non seulement sur le Plateau, mais aussi sur les zones commerciales périphériques, histoire de mieux comprendre leurs habitudes d’achat. Premier constat, le centre-ville est avant tout un lieu de convivialité et de rela- tions sociales. Sept sondés sur dix indiquent venir pour profiter des bars et restaurants. Un sur deux s’y rend dans le but de « se cultiver ».
Certes, 60% des personnes interrogées affirment venir aussi faire du shopping, mais quand on compare ce chiffre avec ce qu’ils achètent en réalité, on s’aperçoit qu’ils regardent plus qu’ils ne consomment. Le Plateau, aire touristique davantage qu’eldorado commercial ? En tout cas, il ne capte que 30% des dépenses de consommation.
D’une certaine manière, cette enquête a le mérite de briser des idées reçues et d’amener une réalité chiffrée sur des phénomènes que certains commencent à identifier. « Le centre-ville doit être un lieu de rencontres, où se matérialise la société multiculturelle dans laquelle nous sommes, argue Olivier Razemon, journaliste et auteur de l’ouvrage « Comment la France a tué ses villes ». Pendant des dizaines d’années, on a bâti des villes en dehors des villes. Non seulement des centres commerciaux, mais aussi des lotissements, services, piscines, cinémas et autres équipements de loisirs... On a étalé les villes, sans rapport avec l’augmentation du nombre d’habitants. Le règne du tout-voiture y est pour beau- coup. Mais les élus ont aussi une responsabilité. »
Des commerçants attractifs
Difficile de revenir maintenant sur les erreurs du passé. Sauf à réduire la place de la voiture. Et pour cela aussi, Olivier Razemon a des idées (lire l’interview complète). En tout cas, il est devenu nécessaire d’axer le développement du centre-ville sur son point fort : la convivialité. A Poitiers, l’organisation de concerts ou d’autres événements, comme la chasse aux œufs du week-end dernier, participe à ce mouvement de fond. Confrontée à la même problématique, Châtellerault propose à ses administrés de faire du sport sur la place publique, le dimanche matin.
Reste ensuite aux commerçants à capter ces clients potentiels. Sur cette question aussi, l’enquête leur donne quelques clés sur la clientèle-type. La fréquentation régulière du centre-ville diminue avec l’âge. Parmi ceux qui viennent au moins une fois par semaine, 70% ont moins de 25 ans. Pour Pascal Chauchefoin, professeur d’économie à l’université de Poitiers, « les commerces doivent se différencier en proposant des expériences existentielles aux clients ». Une sorte d’effet « Wahou », comme on dit en marketing. « Pourquoi les boutiques du centre ne s’associeraient-elles pas en groupement d’employeurs, pour recruter des livreurs à domicile ? », poursuit le professeur d’économie. « Une nouvelle génération de commerçants a compris qu’il fallait créer une relation particulière avec les clients, estime de son côté Patricia Persico, adjointe au Commerce de la Ville. Nous devons aider les autres à s’adapter aux nouveaux usages... »
(*)Enquête réalisée entre octobre et novembre 2016, sur un échantillon représentatif d’habitants de la Vienne de plus de 15 ans.
Quels achats en centre-ville ?
Dans la « guerre » qui oppose le centre et les zones commerciales de périphérie, les clients ont choisi leur camp. Pour l’alimenta- tion, 58% privilégient les centres commerciaux contre 16% pour le centre. Idem pour l’habillement et les chaussures (36% contre 27%), l’hygiène-beauté (34% contre 29%) ou la décoration de la maison (26% contre 9%). Pire, un tiers des sondés déclarent acheter en dehors de Grand Poitiers (Tours, Bordeaux, Paris...). Dans les produits de consommation courante, seuls les livres et la presse sont davantage achetés en ville (26%) qu’ailleurs. Les bars (51% contre 11%) et restaurants (49% contre 14%) sont plébiscités.