Michel Bezot. 63 ans. Ceinture noire 7e dan de karaté. Figure régionale emblématique des arts martiaux. A consacré sa vie à sa passion, parfois au détriment du reste.
La porte s’ouvre sur un sexagénaire qui ne fait pas son âge. Sourire aux lèvres, survêtement du Stade poitevin karaté sur le dos, Michel Bezot fait le tri des papiers dispersés sur la table du salon. « J’ai préparé quelques trucs pour l’article », sourit-il en s’asseyant. Chez lui, rien n’est improvisé. Le natif de la Rochefoucauld mène l’entretien. Et entame la narration par l’enfance. Troisième fils d’une fratrie de sept enfants, Michel Bezot grandit dans la ferme parentale en Charente.
De ses premiers printemps, il garde des souvenirs nuancés. Le divorce de ses parents le frappe « de plein fouet », alors qu’il n’a que 10 ans. L’enfant des champs trouve refuge dans la gymnastique, mais peine à trouver l’approbation du paternel. « J’ai été élevé à la dure par mon père. Pour lui, le sport était un luxe réservé aux gens de la ville. Il considérait que jeme dépensais suffisamment en arrosant le maïs et en faisant les moissons. » Le ton est grave, le regard vide. Cinquante ans après, les traces de l’enfance sont toujours douloureuses. Changement de sujet.
« Rapide, nerveux, souple »
Lunettes sur le bout du nez, Michel Bezot examine son CV avec attention. « Bon la scolarité, ça va être vite fait, j’ai quitté l’école à 16 ans avec un CAP de mécanique générale et, depuis, j’ai toujours travaillé. » À 17 ans, il découvre le karaté à Angoulême. « Je faisais du judo aussi, mais cela réclamait plus de force. Alors qu’au karaté, je pouvais mettre à profit ma réactivité. J’étais rapide, nerveux, souple, j’avais trouvé ma voie. » Passé trois mois par la case « service militaire », en 1972, le Charentais file à Paris l’année suivante et devient fraiseur chez Renault. « Gilbert Biard, mon professeur de karaté de l’époque, m’avait lancé : « Faut pas que tu restes là, c’est un petit bled ». J’ai écouté son conseil. »
De tous temps, Michel Bezot a mené de front sa carrière professionnelle et sa carrière sportive, laissant parfois sa vie de famille en arrière-plan. Sa femme et lui débarquent à Poitiers en 1977, un bébé sous le bras. « En région parisienne, j’ai gravi un à un les échelons de la hiérarchie du karaté, grâce à Maître Taiji Kase. J’aurais peut-être pu me lancer dans une carrière internationale, mais je ne l’ai pas fait. » Le regret pointe dans la voix du sexagénaire. Changement de sujet.
Pour les besoins du portrait, Michel Bezot sort dans le jardin, bien décidé à jouer les modèles. « Quelques prises de karaté, ça te va ? », lance-t-il en faisant démonstration d’une souplesse aucunement altérée par le temps. « Je suis ceinture noire 7e dan, reprend-il fièrement. J’aime bien le rappeler aux jeunes zélés. »
Des pierres à l'édifice
Depuis 1977, Michel Bezot a apporté plusieurs pierres à l’édifice des arts martiaux. Entraîneur régional, directeur technique de la Ligue, responsable de l’organisation du tournoi de Poitiers, président du Stade poitevin karaté... « Je suis satisfait de mon parcours, malgré quelques turbulences politiques dans le milieu. J’aime les gens francs qui restent crédibles en toutes circonstances, dans la victoire comme la défaite. » À bon entendeur.
Côté pro, l’ex-Francilien a avancé « pas à pas », passant de chauffeur de bus à agent de maîtrise en mécanique de précision, pour finir sa carrière comme employé de mairie à Châtellerault. « J’ai pris ma retraite à 60 ans pile. Et j’ai refait ma vie avec ma nouvelle femme il y a sept ans. Mon fils est devenu cadre en informatique et ma fille est infirmière. J’me suis pas mal démerdé quand même ! »
À 63 ans, Michel Bezot n’entend pas quitter les tatamis de si tôt et espère voir sa discipline intégrer les Jeux Olympiques. Pour clore l’entretien, le karatéka lâche une dernière phrase, préalablement écrite : « Je souhaite l’apaisement de notre société, qui manque cruellement de bon sens et de repères. » Avant de conclure : « Voilà, j’ai dit tout ce que j’avais à dire, maintenant au boulot ! »