La fracture des radiologues

Fin mars, les radiologues poitevins ont fait grève pour protester contre le projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Une démarche inédite de la part des médecins, qui sont par ailleurs confrontés à des difficultés de recrutement et à une baisse de leur capacité d’investissement.

Marc-Antoine Lainé

Le7.info

La date approche. Dans deux mois, le Dr François Goubault partira en retraite, après trois décennies de bons et loyaux services. Le PDG de l’entreprise Scanner IRM Poitou-Charentes n’a pas encore trouvé de successeur. « Il y a une vraie pénurie de radiologues dans notre département, déplore-t-il. Les besoins en spécialistes sont pourtant grandissants dans le secteur de l’imagerie. Notre problème, c’est que nous ne parvenons pas à attirer les jeunes médecins dans la Vienne. » D’ici l’été, François Goubault laissera donc ses confrères seuls en première ligne. « Nous avons bien tenté de le convaincre de rester », sourit le Dr David Facon, gérant de Pictavix, zone de la République. Lui et le Dr Frédéric Defaux devront désormais assurer le travail de trois radiologues à deux.

Le 23 mars dernier, en guise de « pot de départ », François Goubault et ses confrères ont... fait la grève ! « C’était une première dans ma carrière, souligne le radiologue. Outre les difficultés de recrutement, nous sommes aujourd’hui confrontés à des mesures gouvernementales qui mettent à mal notre profession. » En première ligne, l’article 99 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, qui laisse toute latitude au directeur de la Caisse nationale d’assurance maladie pour fixer les tarifications des examens d’imagerie médicale. « Ce que nous reprochons à ce texte, c’est qu’il ne prévoit aucune consultation de la profession, reprend Frédéric Defaux, président de la Fédération des médecins radiologues de la Vienne. C’est aberrant, d’autant que l’imagerie permet de nombreuses économies dans d’autres branches de la médecine, en limitant par exemple les opérations grâce à un meilleur diagnostic. » La communauté des radiologues de Poitiers craint pour sa capacité d’investissement. « Nous croulons sous les demandes d’examens, nous ne trouvons plus de jeunes pour répondre aux besoins de recrutement et nous risquons désormais de voir nos recettes diminuer, déplore David Facon. Et qui dit moins de recettes, dit moins d’achat de matériel. »

1M€ PAR IRM

Aujourd’hui, en France, on compte 13 IRM par million d’habitant, contre 20 en moyenne dans le reste de l’Europe. 18% des scanners de l’Hexagone sont par ailleurs en déficit. « Heureusement, nous disposons d’un parc jeune, précise François Goubault. La durée de vie moyenne d’une machine est de sept ans. Le problème, c’est que sans capacité d’investissement, nous serons contraints de travailler sur du matériel ancien. À 1M€ l’IRM, nous ne pourrons pas nous permettre d’en acquérir régulièrement. »

Bien décidée à se faire entendre, la Fédération nationale des médecins radiologues a déposé un recours auprès du Conseil d’Etat. Dans la Vienne comme ailleurs, le climat est tendu. « En dix ans, nous avons fermé six cabinets », regrette Frédéric Defaux. Les radiologues ne devraient toutefois pas réenclencher le mouvement de grève, de peur de s’attirer les foudres de l’opinion publique. Car avec un salaire net moyen de 15 000€ par mois(*), la profession n’est pas la plus à plaindre...

(*)Source : Drees.

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