Damien Clément. 26 ans. Après des études d’ingénieur décevantes, il a décidé de se lancer dans une incroyable aventure. Un voyage de 14 000km à vélo électrique qui l’a mené au bout du monde. Au bout de lui-même aussi.
Poitiers. Pour certains, une ville étape. Pour d’autres, une ligne de départ. Dans « Les Frontières se lèvent », sorti fin mars, Damien Clément raconte son extraordinaire voyage autour du monde. L’aventure de toute une vie… Extraits : « Il était une fois, à Poitiers, une petite entreprise française de vélos à assistance électrique. Elle s’appelait Véloscoot… » Véloscoot(*) sans qui Damien et son ami Léo n’auraient jamais pu monter leur projet fou « Ride the Flavour ». 14 000km à parcourir sur les cinq continents. Quatorze mois juchés sur des vélos électriques, avec 10€ en poche par jour, à découvrir la richesse des paysages marocains, à respirer la poussière de la circulation à Jakarta, à sentir ses poumons s’atrophier en pleine ascension de l’Himalaya. De quoi définitivement transformer un homme. « C’est sûr, aujourd’hui, je ne suis plus le même, assure le Rochelais de 26 ans. Je n’ai pas seulement grandi, j’ai appris à m’accepter, à pardonner et à me pardonner. Mon ego est au vestiaire. »
Et dire qu’il y a seulement cinq ans, Damien n’était encore qu’un étudiant ingénieur en énergie. Brillant, certes, mais sans réelle passion pour ses études. « J’avais la désagréable sensation de me faire imprimer des informations de force dans le cerveau. » Damien ne voulait pas devenir un singe savant.
Du champagne au lait de yack
C’est un voyage qui, déjà à l’époque, le propulse vers une autre voie. En août 2011, Damien part pour un échange universitaire à Séoul, en Corée du Sud. « Les six premiers mois, j’étais dans un état d’émerveillement constant, maintenu par des rencontres et des découvertes culturelles. Et puis j’ai décidé de partir un mois et demi, sac sur le dos, barouder en Asie du Sud-Est. » Hong-Kong, Vietnam, Cambodge, Népal.… Il vit au cours de ces quelques semaines « des choses incroyables ». « D’un côté, j’ai passé un nouvel an arrosé au champagne sur un yacht privé dans la baie de Hong- Kong. De l’autre, j’ai partagé un simple repas avec une Népalaise qui gérait seule une guest-house (petite auberge sommaire, ndlr), à 3 000m d’altitude dans les Annapurna. Elle m’a expliqué en touillant son lait de yack que son mariage avait été arrangé, que son époux et ses deux enfants vivaient en ville pendant qu’elle se débrouillait. »
Ces moments sont gravés à jamais dans l’esprit du baroudeur. Dans son livre, il écrit : « Un mois et demi au cours d’une vie s’apparente à une goutte d’eau dans un océan, et pourtant, ce mois et demi déclencha un raz-demarée qui pulvérisa les digues de ma conscience. » À son retour en Corée, il ne vit déjà plus le quotidien de la même manière et retrouve un esprit critique. « Certaines choses, auxquelles je ne prêtais habituellement pas attention, m’ont tout à coup frappé. Par exemple, la société coréenne est très portée sur l’apparence. Et il existe une fascination malsaine pour les Occidentaux. Sans exagération, les filles se jetaient littéralement sur moi simplement parce que je suis blond aux yeux bleus. »
L’ascension
Rapidement, Damien commence à ressentir un certain ennui, puis à se poser des questions existentielles. « Je n’allais bientôt plus pouvoir me vautrer avec nonchalance dans le duvet de la vie étudiante. Je voulais donner un sens à ma vie. J’avais la bougeotte. » Et c’est ainsi qu’est né le projet « Ride the Flavour ». Impossible de relater cette incroyable expérience en quelques lignes. S’il ne devait retenir qu’un seul épisode de cette série d’aventures, Damien choisirait sans doute son ascension de l’Himalaya. « Je n’ai fait que pédaler ou presque. Tous mes efforts étaient concentrés sur mes jambes. Aucune pensée parasite n’est venue s’immiscer dans mon cerveau. Je roulais sans réfléchir. Et je ne saurais pas expliquer le changement qui s’est opéré en moi, ni décrire les émotions qui m’ont parcourues. Tout mon passé est remonté à la surface. Les hontes, les blessures que j’ai reçues et celles que j’ai infligées. J’ai réussi à les accepter. » Depuis, l’ex-cyclotouriste a pris le temps de recontacter, une par une, toutes les personnes à qui il a pu faire du mal. Et demander pardon.
Aujourd’hui, le jeune homme de 26 ans veut cultiver son jardin. Au sens figuré comme au sens propre. Avec sa compagne Dina, rencontrée lors d’un voyage en Norvège, il compte devenir agriculteur. Bien loin de ses premières aspirations… « Je n’imaginais pas cela le vendredi 26 septembre 2014, lorsque Léo et moi avons enfin mis un terme à notre périple, au Futuroscope. Je ne savais pas encore de quoi allait être fait mon avenir… Cette fois, je me sens plus libre que je ne l’ai jamais été. » Poitiers. Point de départ. Ligne d’arrivée.
(*)L’entreprise de fabrication et vente de vélos électriques a été la première à sponsoriser Damien et Léo en leur offrant deux vélos et les batteries. Elle a depuis été placée en liquidation judiciaire.
« Les frontières se lèvent. Autour du monde à vélo, révolution intérieure » par Damien Clément, aux éditions Jacques Flament. 20€. Disponible sur www.jacquesflamenteditions.com