La communauté guyanaise de Poitiers suit avec attention les événements qui secouent leur département. Et soutient les revendications des grévistes sur de nombreux sujets.
En pleine élection présidentielle, les médias de l’Hexagone ont mis beaucoup de temps à braquer leurs projecteurs sur la Guyane. Ce « confetti » de quelque 250 000 habitants boue pourtant de l’intérieur depuis plusieurs semaines. Insécurité, manque de services publics, chômage endémique, immigration... Les problèmes y sont démultipliés. Cette situation, Mélicie Auguste la connaît par cœur. Infirmière à l’Etablissement français du sang, à Poitiers, la jeune femme a passé ses vacances d’hiver chez elle. «En trois semaines sur place, trois meurtres se sont produits», témoigne-t-elle. En 2012, ses parents, qui habitaient Kourou, ont été victimes d’un violent braquage à main armées. « Traumatisée, ma mère a demandé sa mutation pour la métropole. Elle n’est rentrée en Guyane qu’en août dernier... »
Mélicie « comprend » la révolte des Guyanais, mobilisés comme jamais dans la rue, le 28 mars dernier. « Dix mille personnes à Cayenne, six mille à Saint-Laurent-du-Maroni, ça n’était jamais arrivé », relève Alexandre Rozga, dont les proches vivent dans la Vienne. Et le journaliste vedette de Guyane 1re d’ajouter que « cette cohésion entre les communautés témoigne de leur volonté de changement ». « Il y a un désintérêt des élus pour la Guyane, qui ne pèse que 50 000 électeurs. Tous les candidats à la Présidentielle sont allés à La Réunion... Pourtant, les problèmes sont nombreux ici. »
Le symbole Zico
Mike Joseph, lui, est également « fier » de la réaction des Guyanais dans la tempête qu’ils traversent. «Ils se rebellent, ne sont pas d’accord avec le système et c’est bien !», estime le joueur du PB86. Qui pointe en particulier le « rôle majeur » du collectif des 500 frères. « Mickaël Mancée (un ancien policier, porte-parole du mouvement) a été exemplaire et j’espère que l’apaisement sera durable. » Mélicie le rejoint, même si la jeune infirmière estime que le manque de débouchés professionnels -le chômage des jeunes atteint 40%- freinera toujours la Guyane. « Pour ma part, si j’avais eu la possibilité d’y rester, je ne me serais pas privée ! »
D’une certaine manière, Zico Leidsner Landwield symbolise ce mal-être guyanais. Ce jeune Surinamais, que nous suivons depuis la rentrée, avait été arrêté en mai 2015, avec neuf cents grammes de cocaïne dans l’estomac, après un long par- cours d’errance. Depuis, il tente de donner du sens à sa vie, à Poitiers, au côté de son épouse et de leurs cinq enfants. Ce qui passe là-bas le touche évidemment de près. « Mais je ne suis pas surpris. » Son propre frère vit de petits boulots dans la banlieue de Cayenne. A l’heure où nous écrivions ces lignes, aucun compromis de sortie de crise n’avait encore été trouvé entre les manifestants et le gouvernement.
Kourou et optimisme
« En Guyane, on envoie des satellites, mais nous sommes les derniers à avoir accès à Internet. » En pleine crise sociale, la saillie verbale de l’ancien gardien de l’équipe de France de foot, Bernard Lama, résume à elle seule le paradoxe guyanais. A 8 000km de Paris, on a évidemment davantage de mal à se faire entendre de la classe politique. Mais si cette ambiance pré-insurrectionnelle n’augure rien de bon pour l’avenir, un élément doit nous réjouir : la manière pacifique avec laquelle les habitants de la terre sacrée ont fait valoir leurs revendications. Les campagnes métropolitaines souffrent (en silence) du même syndrome de l’isolement et du délaissement. Reste à savoir comment ses habitants s’exprimeront dans les urnes en mai et juin. Comme l’a écrit à propos l’un de nos chroniqueurs Regards, la vie continuera au-delà des prochaines échéances. Et sur ce terrain de l’optimisme, ce sont sûrement les Guyanais expatriés à Poitiers qui offrent la meilleure réponse à tous les déclinologues professionnels.