Alain Moreau. 65 ans. Vice-président de la Fédération française de tennis depuis février, ce Bressuirais dirige aussi la Ligue Poitou-Charentes et le Creps de Poitiers. Parti de rien, le président de l’Union française de l’industrie de la mode et de l’habillement côtoie aujourd’hui industriels et ministres.
Il sort de sa poche intérieure un petit agenda en papier. Les pages des prochaines semaines sont déjà noires de rendez-vous. Quatre ans après avoir vendu son groupe, Alain Moreau reste hyperactif. Il s’engage tout entier. Pas de demi-mesure. Et cet aspect de sa personnalité n’a jamais vacillé. Sa poignée de main est franche. Il vous salue en vous regardant droit dans les yeux, comme cet ex-patron d’entreprise le faisait au quotidien avec ses salariés.
En 1983, à 31 ans, le Bressuirais reprend l’usine de confection de vêtements de sa ville, Manoukian, qui appartenait à ses beaux-parents. La situation financière n’est pas glorieuse. Il occupe alors un poste confortable au sein d’une mutuelle niortaise. Mais laisser tomber les trente salariés de la boîte familiale est impossible pour son épouse Anna et lui-même. Le diplômé de la fac de droit de Poitiers doit suivre des cours de gestion, le soir, à l’IAE. Il rationalise la production et part convaincre les clients de ses compétences. « J’ai juste fait preuve de bon sens. » Résultat, au bout de quelques mois, les comptes sont dans le vert. Il pousse les murs, rachète une usine aux enchères pour compléter son offre. Le couple enchaîne les heures sup’. Jusqu’au jour où Alain Moreau prend un vol pour l’Ile Maurice histoire de rencontrer des fournisseurs. L’anecdote, ahurissante, c’est encore lui qui la raconte le mieux : « Je n’avais que 170 francs en poche ! Pour me détendre, je suis allé au casino. J’en suis ressorti avec plusieurs millions de francs ! Du coup, j’ai saisi l’opportunité de racheter une usine avec quatre-vingts salariés. »
A l’avant-garde du made in France
Son business prospère. Au début des années 1990, la main-d’œuvre la moins chère est à Madagascar. Ses clients exigent qu’il s’implante là-bas. A contre-courant, Alain Moreau décide de rapatrier toutes ses activités en France. « C’était une fuite en avant, vers le moins disant. Après, nous serions allés où ? L’humain n’avait plus de valeur. Nous nous sommes concentrés sur la qualité et le luxe made in France. Avant tout le monde. » La stratégie fonctionne à merveille. L’industriel va progressivement acquérir une dizaine d’usines dans le grand Ouest et employer jusqu’à sept cent cinquante salariés. Reconnu dans la profession, Alain Moreau fonde le Groupement des fabricants français, puis intègre l’Union française de l’industrie de la mode et de l’habillement. Il en devient même président de 2011 à aujourd’hui, ce qui l’amène régulièrement à discuter avec les grands noms du luxe ou encore le puissant responsable du Medef, Pierre Gattaz.
Travailler avec son épouse présente bien des avantages, mais aussi pas mal d’inconvénients… Alain Moreau rapporte trop souvent ses soucis à la maison. Les clashs se répètent et se renforcent. Son investissement au sein du Tennis club bressuirais lui offre une vraie « soupape de décompression ». Cet amateur de bon niveau était déjà dans l’équipe dirigeante depuis l’âge de 16 ans, il en devient président de 1991 à 2016. « Avec les copains, on ne peut pas faire la gueule très longtemps. Une fois de retour chez moi, j’étais détendu. » Cet engagement associatif lui a été bénéfique, même dans ses relations professionnelles : « J’ai dû mettre de l’eau dans mon vin. Les autres bénévoles ne travaillaient pas pour moi. Ils pouvaient donc m’envoyer balader. A partir de ce moment, j’ai cherché à faire adhérer les gens à des projets. En les incitant à participer, ils prenaient du plaisir. Et les résultats étaient toujours cent fois plus aboutis que ce que j’avais imaginé. » Sous sa gouvernance, le TCB crée un tournoi ATP doté de 25 000$. Avec sa casquette d’entraîneur, il guide son équipe fanion en première division nationale…
A la tête du tennis français
Pendant plus de vingt ans, Alain Moreau mène de front une carrière d’entrepreneur et un investissement associatif intense au bord du terrain. Son départ à la retraite a libéré une place dans son agenda. Le 18 février, le président de la Ligue Poitou-Charentes a été élu vice-président de la Fédération française de tennis dans l’équipe de Bernard Giudicelli. « Bernard a pris en compte à la fois mon CV tennistique et professionnel. Je vais donc m’occuper du développement de la marque Roland-Garros et de la coordination des tournois Future, Challenger et ATP internationaux, hormis Bercy et Roland-Garros. » Une nouvelle page se tourne pour cet homme qui assume sans détours le caractère éphémère de son rôle, ici ou ailleurs. Dans un élan mystique, il lâche en fin de conversation : « Je ne fais que passer. Il faut avant tout préparer l’avenir. »
Un pied à Paris, un autre en Deux-Sèvres, il garde un peu de temps pour assurer la présidence du Creps de Poitiers, qu’il connaît bien pour y avoir effectué son premier vrai stage d’entraînement, à 18 ans. Fin de la récréation. Après deux heures trente d’entretien, le tutoiement est de rigueur. Mais le temps presse et son prochain rendez-vous approche. Une tape sur l’épaule, on se quitte bons amis.