Catherine Coutelle, 71 ans. Députée de la Vienne. Professeure d’histoire à la retraite, mère de trois garçons et féministe engagée dans la lutte pour l’égalité femme-homme. Un engagement qui survivra à la fin de son mandat de députée, en juin prochain
E lle a grandi avec l’idée que « les femmes devaient servir les hommes ». A la maison, entourée d’une grand-mère conservatrice « fière d’être née la même année que De Gaulle » et une maman divorcée, « à une époque où cela ne se faisait pas », Catherine Coutelle observait les hommes mettre les pieds sous la table et attendre « que les choses se fassent pour eux ». « Inconsciemment, cela m’a marquée, assure la Normande d’origine. Je sentais que cette situation était anormale. Mais à 10 ans, évidemment, je ne mettais pas encore de mot dessus. »
Le combat féministe de la députée de la Vienne a pris racine dans son quotidien. Elle a puisé sa volonté farouche de défendre les droits des femmes dans l’histoire de sa propre mère qui, malgré son bon niveau scolaire, n’a jamais pu exercer le métier de son choix. « Mon grand-père agriculteur lui a imposé de tenir la comptabilité de la ferme. J’ai rapidement compris qu’une femme devait absolument gagner son autonomie. C’est pour cela que je me suis toujours battue pour le travail des femmes. »
Ces valeurs, la socialiste les a défendues tout au long de ses mandats d’élue. A la mairie de Poitiers, où elle a d’abord été conseillère municipale puis adjointe aux Transports lors de la mandature Santrot. A l’Assemblée nationale ensuite, qu’elle quittera en juin après deux mandats. La présidente de la délégation aux droits des femmes l’assure : « La politique est un milieu machiste. » « Je l’ai surtout constaté lorsque j’étais aux Transports, ajoute-t-elle. On m’a souvent dit que je ne savais même pas démonter un moteur de bus. Et alors ? Cela ne m’a jamais empêché de bien faire mon travail. »
La soif d'étudier
De son enfance dans l’Orne, Catherine Coutelle ne conserve pas seulement le souvenir de dames affairées à satisfaire ces messieurs. Bien sûr, il n’y avait pas de réfrigérateur, de lave-vaisselle et encore moins de télévision. Maintenant, ce manque de confort n’a en rien terni son bonheur. Elle qui avait « horreur » des « jeux de fille » s’amusait au gendarme et au voleur avec son frère aîné et adorait les parties de billes. « Sans doute que les gamins d’aujourd’hui trouverait cela ennuyeux », sourit-elle.
En seconde, elle est entrée chez les Ursulines, des soeurs « très ouvertes ». La jeune Catherine sortait dans le centre-ville de Caen après les cours, sans toutefois oublier les recommandations des religieuses. « Elles nous disaient : « Vous regardez souvent les vitrines de boulangeries et les tartelettes aux fraises vous donnent envie… Eh bien, pour les garçons, vous êtes des tartelettes aux fraises ! » »
Ses camarades se destinaient à devenir épouses et mères, mais Catherine Coutelle n’en démordait pas : elle voulait étudier à la fac. « J’étais terrorisée la première fois que j’y ai mis les pieds, raconte-t-elle. Je ne savais absolument rien de l’université, car on ne me l’avait tout simplement jamais présentée comme une option possible ! » Malgré tout, l’étudiante mène de brillantes études d’Histoire… Et puis, elle rencontre son futur mari. Ils fêteront leurs cinquante années d’union dans quelques semaines. Pourquoi lui et pas un autre ? « Oh, vous savez ce que c’est. On papillonne et puis un jour, on se pose.»
Poitiers, sombre, sale et triste
Et c’est aussi pour son mari qu’elle quitte Caen et rejoint Poitiers en novembre 67. « Il venait de trouver un poste à la chambre d’agriculture, explique-t-elle. Je me souviens encore du jour de mon arrivée. J’ai trouvé la ville sombre, sale et triste. »
Cinquante années sont passées. Catherine Coutelle a embrassé plusieurs carrières : professeure puis directrice de l’Ecole normale de Poitiers, mère de trois garçons et, enfin, femme politique accomplie. « Il a fallu que je m’impose face aux hommes. Une fois, à une assemblée du Groupement des autorités responsables de transport, je m’agaçais du manque de parité. On m’a répondu : « Oui, mais si on met des femmes, il faudra aussi des homosexuels, des noirs et des handicapés ». Je le dis et le redis, il ne faut jamais céder ! »
Son engagement ne s’essouffle pas. Des batailles ont été remportées -récemment la loi sur le délit d’entrave numérique à l’IVG- mais d’autres restent à mener. A l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, elle organise un colloque sur les « nouvelles féministes ». Elle le sait, la relève est assurée.