L’attentat terroriste perpétré, mercredi dernier, dans les locaux de Charlie Hebdo, a soulevé une vague de soutien sans précédent en France. A Poitiers, la liberté de la presse et d’expression a de très beaux jours devant elle. Retour sur une semaine de fraternité absolue.
Ils ont tué de sang froid les dessinateurs de Charlie Hebdo. Ils ont voulu assassiner la liberté de la presse. Pendant trois jours, les frères Kouachi et leur sombre complice Coulibaly ont semé la terreur, à Paris et dans la France entière.
Leur entreprise terroriste a échoué. Qui sème la brutalité récolte l’unité. Et l’unité à Poitiers, elle fut évidente dès les premiers instants de ce « 11 septembre à la française ». 10 000 personnes sur la place Leclerc, au soir du (premier) drame, à l’appel du Club de la Presse 86. Autant de voix atones mais à l’unisson, bercées de rires, de larmes et d’applaudissements.
« Ne tirez pas, nous sommes journalistes ! » Ce cri du coeur a claqué comme une balle perdue sur des pavés soudain endeuillés. Et puis, l’émotion s’est propagée jusque dans les cours d’école. L’onde de choc était trop forte pour rester confinée. Le lendemain, plusieurs centaines de lycéens ont hurlé « Charlie » depuis la place Leclerc, avant qu’une banderole « Liberté de la presse, partout, toujours » ne soit dévoilée. Celle-là, c’est sûr, aura sa place un long moment sur la façade de l’Hôtel de Ville. Dans la capitale régionale, peut-être plus qu’ailleurs, les élans de solidarité se conjuguent sur un mode spontané. A l’image de ce chef d’entreprise, soucieux d’offrir 1250 t-shirts « Je suis Charlie » sans rien demander. Ah si, que les journalistes n’en fassent aucune publicité.
Mots doux et dessins féroces
Les plumitifs que nous sommes, tous ceux qu’on a voulu réduire au silence, se sont exécutés, sans mauvais jeu de mots. Attendant le samedi et ce nouveau rassemblement fraternel, pour distribuer ces bouts de textile symboles de liberté. Nous étions, vous étiez 12 000 (selon la police) sur cette fameuse place d’Armes. Albert Londres, Arthur Rimbaud et le chanteur JB Bullet ont « voisiné » dans un joli moment de cohésion. Ce fut sobre, élégant, sans fausse note. Contrairement à l’échelon national, partis politiques, syndicats et communautés religieuses s’étaient rangés comme un seul homme derrière la bannière du Club de la presse.
Et que dire du cortège dominical (*), fort de 15000 âmes -chiffres police incontestés-, à l’unisson du pays ? C’est certain, il y aura un avant et un après 7 janvier 2015. Les Poitevins ont fait couler beaucoup de leur encre sur des recueils disposés dans le hall d’entrée de la mairie. Des milliers de mots doux et dessins féroces s’y mélangent et seront très vite adressés à la rédaction de Charlie Hebdo. Sans doute une goutte d’eau dans cet océan de désolation. Mais vous connaissez l’adage, les petits ruisseaux font les grandes rivières. Alors, Poitiers s’est exprimée de sa plus belle plume, y compris sur les réseaux sociaux. Puisse ce plaidoyer en faveur de la liberté d’expression durer très, très longtemps. Fraternité, quand tu nous étreins, qu’est-ce que ça fait du bien !
(*) A l’appel de SOS Racisme, du Toit du monde, de la Ligue des droits de l’homme et de Ludovic Bonneaud, fondateur de Pourquoi pas Poitiers.