Hier
Michel Plat. 61 ans. Ancien maire de Fleuré et entrepreneur sur la paille. Mène un long combat juridique. Vit du RSA avec sa femme. Fils d’agriculteur et père désabusé.
La rosée du matin a figé dans l’éternité les champs de la Literie. Dans ce lieu-dit paisible de Fleuré, le temps s’est presque arrêté un jour de février 2008, date de la mise en liquidation de la charcuterie familiale. Depuis, l’entrepôt attenant à la maison des Plat suinte la décrépitude. Quatre ans déjà qu’aucune machine ne vient rompre la monotonie d’un quotidien désormais marqué par la tourmente. Aujourd’hui, Michel et Jacqueline vivent avec le RSA, 598€ chacun. Une maison modeste, un avenir en berne. Et pourtant, l’ex-spécialiste de la charcuterie traditionnelle s’efforce de faire bonne figure. « Mon plaisir, c’était le travail. Je n’étais jamais fatigué. Alors, forcément, j’ai connu des moments plus glorieux. Mais ça va… »
Le réveil sonne toujours à 4h. Comme si rien n’avait changé. Comme si la longue parenthèse dorée qui l’a propulsé à la tête d’une florissante PME de dix-huit salariés ne s’était pas refermée. Lui, le fils d’agriculteur et petit-fils de métayer, ne s’est « jamais pris pour un autre », ni même affranchi des codes du monde paysan. Une vie rangée, deux garçons et quelques voyages à l’étranger pour « s’aérer la tête ». Et puis patatras, les premiers ennuis judiciaires, au début des années 2000. À l’époque, l’ancien adjoint aux Affaires scolaires et aux Finances vient de se glisser dans les habits de premier magistrat de sa commune. « Oui, je peux le dire, j’ai vécu ça comme une réussite sociale, le prolongement d’une tradition familiale. »
Entêtement fatal
Son haut fait de « gloire » politique va vite lui « attirer des ennuis ». Dans le débat du moment sur l’émergence d’une nouvelle prison dans la Vienne, Monsieur le maire avance Fleuré comme possible terre d’accueil. Tollé de certains de ses administrés. Et premier contrôle fiscal presque dans la foulée. Puis un deuxième « débile », d’un montant de… 294 000€. Pris à la gorge et sûr de son bon droit, l’éleveur de porcs « s’entête à ne pas payer » et se tourne vers le Tribunal de commerce de Poitiers. Le début de la fin. Le rappel des (nombreux) épisodes judiciaires entre les deux parties aurait valeur de tour de force en si peu de lignes.
Michel Plat jette un voile pudique sur les quatre dernières années pendant lesquelles « son monde s’est écroulé ». Histoire de conjurer le mauvais sort, il se raccroche à sa propre histoire familiale, faite de petits heurts et de grands malheurs. Un arrière grand-père mort accidentellement, un grand-père blessé quatre fois pendant 14-18, le domaine agricole partagé pendant la Seconde Guerre mondiale, sa mère touchée par les soldats allemands… « Eh bien, malgré toutes ces contrariétés, on s’en est toujours sorti. Certes, je me bats contre des montagnes, mais je reste confiant. » Tout frais grand-père de jumeaux, le sexagénaire concède que « son avenir est derrière lui ». Mais pas celui de ses enfants, Franck et Laurent, 40 et 34 ans.
Pour son honneur
C’est pour eux qu’il se bat. Pour son honneur aussi. Le plus jeune de ses rejetons se languit de poursuivre l’activité agricole de son père, « alors que l’activité était rentable ». « Le mandataire judiciaire avait promis de préserver son avenir. Et ça n’a pas été le cas… C’est un sentiment de révolte pacifique qui m’anime », lâche l’ancien maire. Même s’il ne vit pas la situation « comme un échec personnel », Michel Plat se sent « impuissant ». « Vous savez, je ne suis pas quelqu’un qui cherche les honneurs ou la gloriole. Sans cette histoire, vous n’auriez jamais entendu parler de moi ! » Cette discrétion inculquée par « un père très dur mais juste », il la met aujourd’hui au service du monde associatif.
Plutôt que de tourner en rond chez lui, l’ex-dirigeant donne de son temps au Toit du Monde. « C’est le début… » Et accorde son temps libre à « ses amis sincères, ses copains de jeunesse ». Ceux-là mêmes qui ne l’ont pas lâché en rase campagne pendant cette longue traversée du désert. Les épreuves l’ont renforcé dans la conviction qu’on pèche souvent par excès d’orgueil. Alors, on ne l’y reprendra plus. Définitivement, il ne se résout pas à ce que les champs de la Literie restent figés dans l’éternité. Un jour, c’est sûr, la vie reprendra son cours…
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