Justice pour <br>des enfants à naître

L'information a été révélée par nos confrères du Courrier de l'Ouest. C'est une première dans les annales de la justice française et cette décision pourrait faire jurisprudence sur l'ensemble du territoire national. Le tribunal de grande instance de Niort a décidé qu'il fallait indemniser des enfants qui étaient dans le ventre de leur maman le jour de l'accident de leur papa.

Romain Mudrak

Le7.info

Morgane et Flavian vont prochainement fêter leur septième anniversaire. Ils sont jumeaux et ils habitent dans le nord de la France. Ils sont en bonne santé. Leur papa, Christophe,  a été la victime d'un très grave accident de moto en mars  2005. Il est aujourd'hui paraplégique. La vie professionnelle de ce dessinateur âgé de 34 ans s'est arrêtée du jour au lendemain. Il vit depuis dans un fauteuil roulant. La célébration du mariage prévue en 2005 avec Cindy, 33 ans, a été annulée peu après le drame. Au moment de cet accident, la jeune femme était tout juste enceinte de jumeaux nés sept mois plus tard.

Un adage latin en faveur des jumeaux
Assuré à la MACIF, le pilote de la moto a déjà reçu un capital de 470  000  euros de la mutuelle pour ses différents préjudices physiques. Diverses expertises médicales ont depuis été pratiquées sur cet accidenté de la route qui ne peut plus se déplacer sans son fauteuil roulant. Au chapitre des souffrances endurées, un expert les a évaluées à 6/7.

Mais pour cette famille du nord de la France, le capital versé n'est pas jugé satisfaisant. Pour discuter du montant total des dommages et intérêts, le couple a assigné la mutuelle niortaise devant le Tribunal de grance instance de Niort afin d'exiger un complément d'indemnités.

Le jour du procès (le 9 juillet dernier), l'avocat du paraplégique, de sa compagne et des jumeaux avaient demandé au juge civil de dire notamment que les enfants, qui n'étaient pas nés le jour de l'accident, mais qui étaient déjà conçus, avaient droit, eux aussi, à un dédommagement moral.

Des enjeux philosophiques?
Peut-on rendre justice à des enfants pour un préjudice qu'ils ont subi avant leur naissance, mais après leur conception  ? Cette question aux enjeux non seulement légaux mais également philosophiques et moraux a donc été posée à un juge niortais.

Dans son jugement prononcé le 17  septembre, Natacha Aubeneau y a répondu. Elle est allée dans le sens souhaité par ce couple du Pas-de-Calais alors même que la MACIF s'était opposée à toute demande de dommages pour les enfants.

Sous le chapitre «  préjudice d'affection des enfants  », la magistrate appuie sa décision en se référant à un adage latin (1) qui établit que «  l'enfant conçu est réputé né toutes les fois qu'il y va de son intérêt  ».

En conséquence, dans ce dossier, «  si les enfants n'étaient pas encore nés au moment de l'accident, ils étaient cependant déjà conçus. Ils peuvent prétendre à une indemnisation, explique la magistrate niortaise. Le lien de causalité entre l'accident et le préjudice résultant des troubles dans les conditions d'existence des enfants est établi. Le préjudice d'affection de ces enfants, qui grandissent aux côtés d'un père physiquement très amoindri de manière irréversible doit être indemnisé  ». La juge a décidé d'allouer à chacun des jumeaux la somme de 20  000  euro.

Eric Marteau (Courrier de l'Ouest)

(1) Adage latin  : «  Infans conceptus pro nato habetur quoties de commodo ejus agitur  ».

Un total de 905  502€ de dommages
La Macif, assureur de ce motard, a été condamnée à verser un total de 905  502€ à la victime de l'accident, sa compagne et leurs jumeaux. La maman des enfants obtient 25  000€ pour son préjudice moral et 15  000€ pour son préjudice sexuel. Déduction faite de la provision déjà versée par la mutuelle niortaise au titre de différents frais de soins notamment, il reste donc 356  720€ à verser à cette famille du nord de la France. A moins que la Macif ne décide de faire appel de ce jugement.

 

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