547 jours, "une thérapie"

Otage en Afghanistan pendant 547 jours, Hervé Ghesquière animera un débat pendant les Assises internationales du journalisme, qui démarrent ce mardi au Tap. Sa détention, son livre-confession(*), les autres otages français… Le journaliste de France Télévisions se confie sans langue de bois.

Arnault Varanne

Le7.info

Hervé Ghesquière, que nous vaut votre présence à Poitiers, aux Assises internationales du journalisme ?
« Jérôme Bouvier m’avait invité l’an dernier, mais j’étais en train de préparer l’émission de Pièces à conviction, que nous avions prévu de diffuser en janvier 2010, quelques jours avant que nous soyons enlevés avec Stéphane Taponier. »

La thématique de l’édition 2012, l’indépendance, doit vous ravir...

« Le thème est franchement d’actualité. Aujourd’hui, il est de plus en plus difficile d’être un journaliste indépendant, d’esprit surtout. »

Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire 547 jours, le récit de votre captivité en Afghanistan ?
« En fait, j’avais l’intention d’écrire depuis le début de notre enlèvement. J’ai rédigé cinq cents feuillets en cinq cent quarante-sept jours. Pour me calmer, les talibans ont eu l’intelligence de me fournir en papiers et stylos. À la fin, ils m’ont tout confisqué en me disant que rien ne devait sortir de leurs vallées interdites. »

Etait-ce une forme d’exutoire aussi ?

« Bien sûr, je voulais évacuer ce qui s’était passé en Afghanistan. Quatre-vingts pour cent de ce que je raconte, je n’arrivais pas à le dire à mes proches. C’est une forme de thérapie, sans aucun doute… »

Quel est le pire souvenir que vous gardez de votre détention ?

« L’enlèvement et un certain 2 mai 2010, où nous avions encore l’espoir de sortir rapidement. Mais là, tout s’est effondré. Cette période-là a été la pire. J’ai senti que nous serions détenus longtemps.» « Un vilain petit canard du journalisme. »

Dans 547 jours, vous revenez également sur la polémique qui a éclaté en France après votre enlèvement. L’envie de remettre les pendules à l’heure ?
« À mon retour, j’ai demandé à être reçu par une vingtaine de protagonistes, Nicolas Sarkozy, Claude Guéant, Bernard Kouchner, Alain Juppé, Hervé Morin… D’après mes infos, à l’époque, tous ces gens ont été informés par une seule source militaire, en l’occurrence le lieutenant Jackie Fouquereau. C’est le seul qui ne me répond pas. Il a porté plainte pour diffamation. Je ne veux pas polémiquer avec lui. En attendant, j’ai mené une vraie contre-enquête argumentée. Ma porte est ouverte… »

Vous parlez de mensonge d’Etat à propos de l’Afghanistan. Pour quelles raisons ?
« Je réaffirme que sur le dossier afghan, nous avons été victimes d’un mensonge d’Etat. On a voulu nous faire croire pendant dix ans que la situation était certes difficile, mais sous contrôle. Sous contrôle de rien du tout ! Au moment où nous avons été enlevés, dire cela, c’était être un vilain petit canard noir du journalisme. »

Six Français sont aujourd’hui retenus en otage dans la région du Sahel. Quel message leur adressez-vous ?

« J’ai envie de leur dire qu’on pense fort à eux et que des actions sont menées par le gouvernement pour les sortir de là. La seule chose que je regrette, et je l’ai dit aux familles, c’est qu’il n’y a pas assez de médiatisation autour de leur cas. À l’époque, nous avions eu un comité de soutien incroyable. »

Retournerez-vous sur le théâtre de conflits ?
« J’intègre l’équipe d’Envoyé Spécial et j’ai évidemment envie de retourner sur le terrain. »

(*) 547 jours, d’Hervé Ghesquière, éd. Albin Michel, 304 p. 18,50h
 

Le programme des Assises

Outre le débat sur la Génération printemps arabe (mardi 2 octobre, 17h-19h), animé par Hervé Ghesquière, les 6es Assises internationales du journalisme proposent de nombreux rendez-vous ouverts au public, au Théâtre-auditorium de Poitiers. Le programme sur www.journalisme.com

Photo : HGuesquiere-Chelly

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