Philippe Mahou : «Je vois l’endroit où ça s’est produit»

Neuf personnes, dont quatre Français, ont péri ce week-end dans le Manaslu, l’un des quatorze sommets népalais à plus de 8 000m d’altitude. Le Poitevin Philippe Mahou avait gravi ce mont en 2009.

Arnault Varanne

Le7.info

Il visualise l’endroit
«Je vois très bien où le drame de ce week-end a pu se dérouler. Vers 6 900m, on doit établir un camp de base dans les grands séracs du Manaslu. Lorsqu’une avalanche tombe de l’antécime du Manaslu, vous n’avez aucune chance, elle emporte tout sur son passage.»

En 2009, déjà…
Du 18 avril au 31 mai 2009, Philippe Mahou et Florent Valleise avaient tenté de gravir le Manaslu. Mais leur expédition s’était arrêtée à 7 700m «à cause du mauvais temps». Déjà. «Nous avions été pris, un peu plus bas, dans une coulée de neige. Trois tentes avaient été emportées, mais aucune victime n’était à déplorer.»

Il ne connaît pas les guides
Lors de son expédition, Philippe Mahou s’était entouré de deux guides chevronnés, dont François Damilano. Aucun des deux n’était dans la cordée du week-end dernier. «François était sur un autre sommet, croit savoir l’alpiniste. Mais je n’ai pas les noms des quatre guides décédés…»

Pas d’appréhension ?
«Ce genre de drame fait forcément revivre sa propre ascension. Aujourd’hui, je suis dans l’émotion et la tristesse. En même temps, cela n’a pas grand effet sur mon envie d’y retourner. La montagne est ancrée en moi, mon désir est plus fort que tout.»
 

 

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La plus grosse difficulté
«Dans la nuit du 11 au 12 mai derniers, nous nous sommes dit que nous vivions peut-être nos dernières heures. Il y a eu une énorme tempête. Nous étions sous un sérac (Ndlr : un énorme bloc de glace) mais nous étions en attente d’une nouvelle avalanche. Là, j’ai pensé à ma femme, à mes enfants, à ce que je ferai si je sortais vivant de là… »

Le souvenir marquant
«Nous étions à 7 200 mètres, sur le point d’arriver au dernier col. Et, d’un coup, nous avons découvert un cimetière de tentes. Dans l’une d’elles, un homme congelé qui avait l’air de saluer quelqu’un. À ce moment-là, j’ai ressenti un sentiment de colère. Je trouve inconcevable qu’on laisse un homme ici. Je me suis dit que la montagne, c’était «chacun pour sa peau». L’ambiance était très lourde avec mes sept compagnons.»

La frustration
«Tout était prêt pour que nous arrivions au sommet. Il restait 4 heures de marche, un ultime effort. Le chef d’expédition de la cordée a préféré jouer la prudence à 7 700 mètres, avec une météo incertaine. C’était la dernière possibilité, nous avions déjà deux jours de retard… Ne pas être allé au sommet, cela ne change rien et cela change tout à la fois. Il manque la jubilation. Là, ne reste que la souffrance.»

Le beau geste
« Au final, nous avons récolté près de 5 000 euros au profit de l’association « Himalaya pour Toi ». Nous allons pouvoir aider l’IME de Biard, produire le film de notre expédition… Si c’était à faire, je le referais sans hésiter. »
 

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