Aujourd'hui
Coopératives et producteurs de lait vivent actuellement une véritable mutation vers une production à forte valeur ajoutée. En jeu ? L'amélioration de la rentabilité de ces activités et la lutte contre l'exode des éleveurs isolés.
Ceci est une révolution... Les experts de la question agricole en région l'ont remarqué depuis longtemps, mais le reste de la population, pas forcément. Depuis plusieurs mois, la filière du lait en Charentes-Poitou (bassin composé du Poitou-Charentes, de la Vendée et de la Haute-Vienne) modifie complètement sa stratégie en matière de débouchés.
« Jusqu'à présent, notre production était essentiellement vendue sous la forme de lait, beurre ou poudre, sous des marques de distributeurs... Bref, des produits basiques soumis aux grands vents de la mondialisation. Désormais, les professionnels s'orientent davantage vers des produits marketés, transformés, à forte valeur ajoutée », explique Philippe de Guénin, directeur régional de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt (Draaf). Les récents rapprochements des coopératives Eurial et Agrial, ou encore de Terra Lacta et de Bongrain (55% des collectes à eux quatre), s'inscrivent dans cette logique.
Exploitations géantes
Dans un secteur qui pèse lourd dans l'économie régionale (15 200 emplois et 1 950M€ de chiffre d'affaires), les observateurs s'accordent à dire que cette évolution est salutaire. L'ensemble des acteurs sont concernés. Côté producteurs, le mouvement de concentration va dans le même sens. Selon l'Insee, au cours des dix dernières années (1990-2010), le nombre d'exploitations de vaches laitières (2 870) a chuté de 40%, tandis que l'effectif animal n'a diminué que de 16%. C'est encore plus marquant dans l'élevage caprin. Alors que le nombre d'exploitations a dégringolé de 33%, le nombre de chèvres a, lui, progressé de 18%. En moyenne, un éleveur de Charentes-Poitou possède 64 hectares et 260 chèvres, soit 80 bêtes de plus que la moyenne nationale. En outre, le progrès technique, la sélection génétique et la qualité de l'alimentation ont permis de stabiliser, voire d'accroître la production (-3% de lait de vache ; +39% de lait de chèvre).
Reste à savoir si Charentes-Poitou saura renouveler ses forces vives. Sous notre climat, les pâturages sont rares. Les animaux sont donc surtout nourris de maïs ensilage. Si on ajoute à cela la main-d'œuvre plus importante, le lait est plus cher à produire ici qu'ailleurs. Certes, le prix du litre augmente, mais moins vite que celui des céréales en ce moment. Certains adeptes de la polyculture élevage pourraient être tentés de choisir la moissonneuse plutôt que la trayeuse. Sans oublier que la transmission de ces exploitations géantes coûtera un bras au repreneur. Sauf à ce qu'il s'associe avec d'autres... Une solution pour l'avenir ?
Image : Troupeau de Saanen - D. Hardy (extrait de Décimal n°333 de décembre 2013)
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