Main basse sur l'essence

Depuis un an, la hausse du prix des carburants s’accompagne d’une recrudescence des siphonages de réservoirs. Démunis face à cette situation, les professionnels de la route réclament l’intervention des autorités.

Romain Mudrak

Le7.info

Sur le parking du centre routier de Poitiers, les chauffeurs restent vigilants. La hausse du prix de l’essence est toujours synonyme de vols plus importants. Tous ont entendu parler d’un cas dans leur entourage. Alain, qui vient de remplir le réservoir de son semi-remorque avec pas loin de mille litres de gasoil, a lui-même été victime de ces manigances, il y a deux mois:  « C’était sur une petite place isolée de Chauvigny. J’avais garé le camion près de chez moi pour la nuit. À l’aube, la bâche était légèrement ouverte et, quand j’ai voulu démarrer, un signal a retenti pour m’indiquer que mon réservoir était vide. On m’avait piqué six cents litres d’essence. »
À 1,15€ HT le litre, le préjudice est lourd. Et le problème ne concerne pas que les transporteurs de marchandises. Eric
Etienne, directeur des Rapides du Poitou, rit jaune. Depuis septembre dernier, 3 000 litres de carburants se sont envolés de ses cent quatorze cars : « Entre deux ramassages scolaires, ils sont souvent stationnés en rase campagne pour éviter les voyages à vide. Le pire, c’est quand on ne peut pas emmener les enfants à l’école le lundi matin. » Le gérant a décidé de s’associer à la Fédération régionale des transporteurs de voyageurs qui a envoyé à la préfecture, la semaine dernière, un tableau des zones à risques.

Protection limitée

Si Eric Etienne et les autres en appellent désormais aux auto- rités, c’est que leurs moyens de protection s’avèrent restreints. Les appareils électriques de siphonage ne font plus de bruit. Et quand bien même une crépine (sorte de grille située à l’embouchure des réservoirs) empêcherait l’introduction d’un tuyau, les malfaiteurs seraient prêts à percer pour récupérer le précieux liquide. À tel point que certains patrons demanderaient à leurs chauffeurs ne plus verrouiller les bouchons afin d’éviter la double facture. Bruno Hersand a déclaré à la gendarmerie le vol de près de 4 000 litres d’essence en 2011 (sur un total de 6 millions). Sans compter les petits larcins de quarante litres impossibles
à prouver. Au nom de la Fédération française des transporteurs routiers, le gérant des Transports Hersand, à Jaunay-
Clan, réclame la création d’un carburant teinté. Il aimerait aussi des parkings sécurisés un peu partout en France : « Aucune société industrielle ne laisserait sans surveillance 250 000€ de marchandises et 100 000€ de matériels. Nous y sommes contraints tous les jours. »
Il n’y a guère qu’à la «maison» que les transporteurs aient trouvé des solutions efficaces.
Didier Huvelin, patron de Mory Team sur la zone de la République 1, a recours à une société de gardiennage depuis 2004. Un investissement de 2 000€ qui lui dégage l’esprit. Depuis quelques semaines, Hersand s’est aussi résolu à employer un dresseur de chien d’attaque.

200 000 litres dérobés

Près de 200 000 litres de carburants ont été dérobés en moins d’un an dans la région. Les réservoirs des camions restent les cibles privilégiées des malfrats. Toutefois, ces derniers développent d’autres stratagèmes encore plus ingénieux. Une station-service de la périphérie de Poitiers s’est vu récemment dévaliser d’environ 19 000 litres d’essence. Les pirates avaient trafiqué le distributeur 24/24 et s’étaient servis toute la nuit.

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