mardi 24 décembre
Début avril, le gouvernement a publié un décret facilitant les reconversions professionnelles des responsables politiques. Ils pourront devenir avocats sans examen préalable. Le barreau de Poitiers s’y oppose, comme certains élus, même UMP.
Les parlementaires ont-ils les compétences nécessaires pour exercer le métier d’avocat ? Sans aucun doute, à en croire le décret publié le 4 avril dernier. Le gouvernement a décidé de faciliter la reconversion professionnelle des élus ayant participé à « l’élaboration de la loi ». Et il l’a fait à travers le Journal officiel. Des passerelles existaient
déjà, depuis novembre 1991, pour certaines professions telles que huissiers ou juristes d’entreprise. Même les élus
pouvaient déjà accéder à cette fonction en faisant valoir leurs diplômes. Sortie de Sciences Po et de l’Ena, Ségolène Royal a ainsi prêté serment dès 1994. Mais ce nouvel article 97-1 dispense désormais les ex-ministres, députés et sénateurs de tout examen, y compris le Certificat d’aptitude à la profession d’avocat. Les seules restrictions prévues par les textes concernent la durée du mandat, « au moins huit années », et l’obtention d’une maîtrise de droit.
La réaction du Conseil national des barreaux n’a pas tardé : un recours a été déposé devant le Conseil d’Etat. A Poitiers, le nouveau bâtonnier s’inscrit dans la même veine. « Quelle compétence les hommes politiques ont-ils pour devenir avocat ?, s’interroge Didier Simonet. Le métier est dévalorisé. Des discussions étaient engagées depuis deux ans entre nos instances nationales et le gouvernement, mais n’avaient pas abouti. »
Les collaborateurs renvoyés à 2014
Députée (PS) de Poitiers depuis seulement cinq ans, Catherine Coutelle ne bénéficiera pas de cette disposition. Ce qui ne l’empêche pas d’avoir un avis sur la question : « A quelques semaines des élections, ce décret ressemble à un sauve- qui-peut ! Etre avocat ne s’improvise pas. Les hommes politiques n’intéresseront que les cabinets à la recherche d’une tête d’affiche et d’un carnet d’adresses. »
Même le sénateur UMP de la Vienne, Alain Fouché, ne comprend pas la vocation de ce texte. Avocat de profession, il considère que « la formation est importante » car « une expérience d’élu, aussi éclairée soit-elle, ne suffira jamais pour plaider une cause ». Et si tout cela partait d’une volonté ministérielle de ménager une porte de sortie aux attachés parlementaires ?
Leur statut est souvent plus précaire que celui de leurs employeurs. C’est en tout cas l’explication avancée sur le site Rue89, le 4 avril, par Bruno Badré, porte-parole du ministère de la Justice : « Nous avions des discussions avec les représentants de la profession, depuis plus de deux ans, sur la possibilité de créer une passerelle au profit des collaborateurs parlementaires. La Chancellerie a estimé qu’il était naturel et logique de l’étendre à ceux qui emploient ces collaborateurs. » Problème : seuls les « cadres » officiant depuis plus de huit ans pourront bénéficier de cette passerelle. Or, comme en France, les attachés parlementaires ne sont reconnus sous ce statut que depuis 2006, le texte ne s’appliquera pas, pour eux, avant… 2014.
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