L’intensification du travail et la sclérose des effectifs sont-ils compatibles avec une optimisation des soins en milieu hospitalier ? Au CHU, les forces syndicales s’émeuvent plus que jamais des conditions dans lesquelles le personnel soignant s’exprime. FO crie son ras-le-bol.
Effervescence dans les locaux syndicaux du CHU. Entre pâté, jambon et petit rouge, les adhérents de Force Ouvrière trinquent à l’espoir d’une vie meilleure.
Derrière l’étendard de la mobilisation, Denis Garnier joue les picadors. Cet après-midi, le secrétaire fédéral FO de la fonction publique hospitalière est venu asséner ses vérités. Ses convictions de militant sont couchées sur le papier glacé de son dernier bouquin, « L’hôpital disloqué ». Elles se résument à cette « nécessité de replacer le travail au cœur du dialogue social ». « Aujourd’hui plus que jamais, regrette-t-il, les personnels sont pris dans l’étau d’un conflit éthique entre les exigences économiques et productivistes de l’hôpital et leur volonté d’accomplir leur mission dans les meilleures conditions. »
Le bonhomme a plus d’un tour de France à son actif. Son constat est univoque. Intensification des tâches, effectifs réduits, plannings non respectés, mercantilisation des soins, souffrance au travail et à la maison dopent l’absentéisme, les cas d’accidents et de maladies professionnels ? Ces « déviances », il l’assure, sont communes à tous les hôpitaux de l’Hexagone. « Et cela ne changera pas tant que le respect des individus, des plannings et des repos ne sera pas réinstauré. »
Mutualisations et suppressions
A Poitiers, la visite de Denis Garnier semble toutefois « tomber dans une autre dimension ». « Car ici, remarque-t-il, une pluie de mesurettes répressives s’ajoutent au décor. » A ses côtés, la déléguée locale, Evelyne Tagault, acquiesce. « De nouvelles pratiques abusives sont nées et s’amplifient au fil des mois, peste-t-elle. Prenez le cas d’un personnel du CHU qui souhaiterait se faire hospitaliser dans le privé. Eh bien, désormais, on le frappera d’une sanction, via une décote de sa prime annuelle. Ce n’est pas une atteinte à la liberté individuelle, ça ? »
Autre point de défiance, la décision d’imposer, à toute personne hospitalisée, une tarification unique en chambre seule, même si elle est… en chambre double. « Ce sera aux mutuelles de supporter, une fois de plus, cette politique arbitraire, martèle Mme Tagault. Quant aux patients démunis qui n’ont pas les moyens de s’offrir cette prestation, ils devront engager un recours pour ne pas acquitter le montant forfaitaire actuellement fixé à 45€ par jour. »
Le ras-le-bol syndical, déjà mis en lumière par la CGT, dans nos colonnes, en octobre 2010, atteint visiblement des sommets d’intensité. La mutualisation, le 14 mai prochain, des services d’urologie, d’endocrinologie et de chirurgie digestive, ajoute au malaise. « Nous manquons déjà de plus de trente postes d’infirmières, soutient la déléguée FO. Cette mutualisation va entraîner la suppression de dix-huit nouveaux équivalents temps plein. Pourquoi un tel désengagement ? C’est d’autant plus incompréhensible que le CHU de Poitiers est le seul de France, cette année, à dégager à excédent financier. On se fout de nous et on se fout des malades. Car au bout de la chaîne, les soignants à bout, fragilisés, dépassés, vont devoir colmater les brèches. » Au risque de mal faire leur travail et desservir l’intérêt des patients ? C’est là l’extrémité que « l’hôpital disloqué » ne doit jamais atteindre.